A la base des associations, un projet utopiste
"Le Serment du Jeu de paume" par David. Image du domaine public.
On le sait peu, mais les premières associations françaises étaient inscrites dans un mouvement contestataire, même révolutionnaire, lié à la naissance du socialisme. Elles se sont développées en même temps que la démocratie, avant de se confronter à l'avènement du capitalisme.
Pour comprendre l'apparition des associations, il faut s'intéresser à l'associationnisme. L'associationnisme est un mouvement d'actions collectives qui a connu son âge d'or au début du XIXe siècle. Son objectif était l'émancipation sociale. Ses principes s'inspirèrent des confréries clandestines de compagnons, des corporations manufacturières, et plus largement des initiatives collectives de lutte des classes du XVIIe siècle.
Les premières associations françaises organisaient des grèves et portaient des revendications sociales. C'est vraiment à partir de la révolution de 1789 que s'est développé l'associationnisme, avec le concept de démocratie. Très politiques, les premières associations voulaient combattre l'individualisme libéral par la solidarité démocratique et sociale. Durant les Lumières, elles prenaient la forme d'assemblées populaires, de sociétés fraternelles et de clubs politiques qui animaient des débats dans les lieux publics. Elles alliaient social et politique et, rapidement, effrayèrent les pouvoirs publics qui les virent comme une menace.
Dès 1791, la loi Le Chapelier interdit les organisations ouvrières. Les sociétés de femmes furent dissoutes en 1793 et les clubs en 1795. En 1810, Napoléon interdit les associations libres dans le Code Pénal et mena une campagne de répression.
Au XIXe siècle, l'associationnisme était pourtant encore au cœur des révoltes et des insurrections populaires. A côté des insurrections qui étaient les moments de confrontation directe au pouvoir, l'essentiel de la révolte se passait dans le développement des associations. Celles-ci remplaçaient progressivement les institutions du pouvoir, en organisant les ouvriers et en expérimentant de nouveaux rapports sociaux, solidaires et autogestionnaires. Les ouvriers, à travers l'association, revendiquaient des aspirations démocratiques et révolutionnaires. Des témoignages de l'époque dévoilent des désirs d'autogestion, d'affranchissement du travail et même d’abolition du salariat.
L'associationnisme est à l'origine des premières grandes grèves, mais également des premiers conseils prud’homaux, des premières coopératives solidaires, et même des premières caisses de chômage.
En 1848, l'associationnisme portait la révolution. "La forme associative devait conduire à terme à la disparition de l’État, remplacé par l’organisation économique de fédérations égalitaires de travailleurs solidarisés en Europe puis dans le monde".
Pour comprendre l'apparition des associations, il faut s'intéresser à l'associationnisme. L'associationnisme est un mouvement d'actions collectives qui a connu son âge d'or au début du XIXe siècle. Son objectif était l'émancipation sociale. Ses principes s'inspirèrent des confréries clandestines de compagnons, des corporations manufacturières, et plus largement des initiatives collectives de lutte des classes du XVIIe siècle.
Les premières associations françaises organisaient des grèves et portaient des revendications sociales. C'est vraiment à partir de la révolution de 1789 que s'est développé l'associationnisme, avec le concept de démocratie. Très politiques, les premières associations voulaient combattre l'individualisme libéral par la solidarité démocratique et sociale. Durant les Lumières, elles prenaient la forme d'assemblées populaires, de sociétés fraternelles et de clubs politiques qui animaient des débats dans les lieux publics. Elles alliaient social et politique et, rapidement, effrayèrent les pouvoirs publics qui les virent comme une menace.
Dès 1791, la loi Le Chapelier interdit les organisations ouvrières. Les sociétés de femmes furent dissoutes en 1793 et les clubs en 1795. En 1810, Napoléon interdit les associations libres dans le Code Pénal et mena une campagne de répression.
Au XIXe siècle, l'associationnisme était pourtant encore au cœur des révoltes et des insurrections populaires. A côté des insurrections qui étaient les moments de confrontation directe au pouvoir, l'essentiel de la révolte se passait dans le développement des associations. Celles-ci remplaçaient progressivement les institutions du pouvoir, en organisant les ouvriers et en expérimentant de nouveaux rapports sociaux, solidaires et autogestionnaires. Les ouvriers, à travers l'association, revendiquaient des aspirations démocratiques et révolutionnaires. Des témoignages de l'époque dévoilent des désirs d'autogestion, d'affranchissement du travail et même d’abolition du salariat.
L'associationnisme est à l'origine des premières grandes grèves, mais également des premiers conseils prud’homaux, des premières coopératives solidaires, et même des premières caisses de chômage.
En 1848, l'associationnisme portait la révolution. "La forme associative devait conduire à terme à la disparition de l’État, remplacé par l’organisation économique de fédérations égalitaires de travailleurs solidarisés en Europe puis dans le monde".
De l'associationnisme aux associations institutionnelles
A nouveau, la réponse du gouvernement ne tarda pas. Dès juillet 1848, une nouvelle loi instaura un contrôle scrupuleux de tous les clubs politiques par l’État. Les femmes en furent interdites, et on y plaça des observateurs. La loi permit l'interdiction des rassemblements et de tout discours contraire à l’ordre public. Sous la censure et la répression, les grandes associations politiques utopistes s'essoufflèrent peu à peu.
Mais c'est finalement par l'institutionnalisation des formes associatives que s'éteint l'associationnisme. D'abord sous Louis-Napoléon, qui créa les premiers statuts juridiques des associations. Il décida une simple distinction entre le statut coopératif, mutualiste et associatif. Les statuts servirent de compromis pour apaiser les associationnistes, tout en les contrôlant. Peu à peu, les associations s’adossèrent aux pouvoirs publics et s’éloignèrent du mouvement ouvrier.
Plus tard, la Loi de 1901 prit le relai en achevant d'encadrer les associations par le Droit. Les associations furent ainsi domestiquées, perdant une grande partie de leur capacité d'innover et d'expérimenter dans leurs formes et leurs structures sociales.
Plus tard, l’État reprit le rôle des associations sociales avec l’État providence. Le chômage, la retraite, les bourses d'étude, furent pris à sa charge. Les associations furent alors être reléguées aux services oubliés par le gouvernement. Lorsqu'elles révèlent de nouvelles demandes sociales, les pouvoirs publics commencent à les financer et à les encadrer. On peut citer l’exemple de l’éducation populaire, qui s'est transformé en activités sportives et culturelles dans les Maisons de la Jeunesse et de la Culture (MJC) et est devenue dépendante des municipalités. On peut également évoquer le Crédit Agricole qui, aidé par l’État, est devenu un outil de promotion de l’agriculture productiviste. Même la Caisse d’Épargne était une organisation associative avant de devenir une banque.
Sans aller jusque là, de nombreuses associations, en étant financées par des subventions publiques, sont aujourd'hui dépendantes des politiques d’État et perdent de leurs libertés. Bien qu'elles complètent les services publics, ces associations font largement appel au bénévolat et aux emplois précaires, servant ainsi l’État qu'elles allègent de charges importantes.
Mais c'est finalement par l'institutionnalisation des formes associatives que s'éteint l'associationnisme. D'abord sous Louis-Napoléon, qui créa les premiers statuts juridiques des associations. Il décida une simple distinction entre le statut coopératif, mutualiste et associatif. Les statuts servirent de compromis pour apaiser les associationnistes, tout en les contrôlant. Peu à peu, les associations s’adossèrent aux pouvoirs publics et s’éloignèrent du mouvement ouvrier.
Plus tard, la Loi de 1901 prit le relai en achevant d'encadrer les associations par le Droit. Les associations furent ainsi domestiquées, perdant une grande partie de leur capacité d'innover et d'expérimenter dans leurs formes et leurs structures sociales.
Plus tard, l’État reprit le rôle des associations sociales avec l’État providence. Le chômage, la retraite, les bourses d'étude, furent pris à sa charge. Les associations furent alors être reléguées aux services oubliés par le gouvernement. Lorsqu'elles révèlent de nouvelles demandes sociales, les pouvoirs publics commencent à les financer et à les encadrer. On peut citer l’exemple de l’éducation populaire, qui s'est transformé en activités sportives et culturelles dans les Maisons de la Jeunesse et de la Culture (MJC) et est devenue dépendante des municipalités. On peut également évoquer le Crédit Agricole qui, aidé par l’État, est devenu un outil de promotion de l’agriculture productiviste. Même la Caisse d’Épargne était une organisation associative avant de devenir une banque.
Sans aller jusque là, de nombreuses associations, en étant financées par des subventions publiques, sont aujourd'hui dépendantes des politiques d’État et perdent de leurs libertés. Bien qu'elles complètent les services publics, ces associations font largement appel au bénévolat et aux emplois précaires, servant ainsi l’État qu'elles allègent de charges importantes.
Comment le libéralisme s'est emparé des associations
"D’un projet de transformation radicale de la société, et même du monde entier, l’associationnisme se mue peu à peu en un mouvement qui a intégré la domination de l’économie dite classique et du fonctionnement capitaliste. Il devient "réformiste", et même un simple complément à l’économie capitaliste".
Bien qu'il y propose des alternatives, le monde associatif évolue au sein du système capitaliste. Alors, dans les associations, sans le vouloir, on reproduit des dynamiques institutionnelles et structurelles. C'est ce que Julien Vignet appelle l'isomorphisme institutionnel. La reproduction, par instinct mais aussi sous l'effet de pressions extérieures, des schémas sociaux et des modes de fonctionnement dominants.
Bien qu'il y propose des alternatives, le monde associatif évolue au sein du système capitaliste. Alors, dans les associations, sans le vouloir, on reproduit des dynamiques institutionnelles et structurelles. C'est ce que Julien Vignet appelle l'isomorphisme institutionnel. La reproduction, par instinct mais aussi sous l'effet de pressions extérieures, des schémas sociaux et des modes de fonctionnement dominants.
Des inégalités sociales au sein des associations
Les ouvriers et les non diplômés ont le plus faible taux d'adhésion à des associations. Les associatifs sont en grande partie issus des classes moyenne et supérieures, et ont des diplômes plus élevés. Une des raisons est que les associations deviennent de plus en plus sélectives et exigeantes.
Cela peut être difficile à croire tant certains choisissent le monde associatif (emploi ou bénévolat) pour son mode de vie alternatif, en rupture avec le salariat classique. Même si l'emploi associatif relève du choix personnel et non pas d'une logique de classes, on remarque des schémas discriminants bien réels.
Car si les associations ont des buts non lucratifs, elles restent articulées autour de projets et de missions qui nécessitent des fonds. Ces fonds, pour être obtenus, demandent souvent d'avoir une réelle stratégie d'entreprise: du management interne au marketing.
Que le financement des associations soit issu de subventions, de crowdfunding, ou de fondations d'entreprises, il y a une priorité qui est donnée aux associations les plus efficaces et les plus rentables. Pour lever des fonds, les associations doivent suivre des logiques d'entreprise et souvent se mettre en concurrence entre elles. Elles doivent répondre à des attentes précises et font alors de leur activité une véritable prestation économique.
Dans les services dédiés à la recherche de fonds (ou fundraising) il est question de vente et de communication d'entreprise. Dans ce domaine, associations et start-ups recourent aux mêmes méthodes.
Lorsque l'on regarde Greenpeace par exemple, on réalise l'ampleur que peut prendre la professionnalisation d'une organisation associative. En l'occurrence, il s'agit aujourd'hui d'un véritable lobby, avec une structure internationale pyramidale, des centaines salariés en France et des méthodes de management similaires à celles des plus grandes entreprises. On n'imaginerait pas que Greenpeace France est une association Loi de 1901 lorsque l'on assiste à leurs techniques de marketing direct dans la rue, tant leurs collecteurs de fonds sont rodés et professionnels. Collecteurs d'ailleurs souvent travailleurs précaires, qui sont certes mieux payés que chez Uber, mais pas mieux couverts.
Puisque les associations qui réussissent le mieux économiquement sont les plus à même de se développer, l'associationnisme a laissé place à de nouveaux types d'organisations. Entre autre, au paradoxe qu'est l’économie sociale et solidaire. Le terme lui-même ressemble un peu à un oxymore. Il s'agit de revendiquer des valeurs humaines et de l'innovation sociale, tout en produisant de la richesse sur le Marché et en plaçant le travail et l’économique au centre des rapports sociaux. Plutôt que de chercher à créer de nouveaux modes d'échange économique, la stratégie de l’économie solidaire est de s'intégrer au monde économique classique. Elle cultive alors le partenariat, le compromis et la négociation, en ignorant ses clivages initiaux avec le système socio-économique qui crée les inégalités.
Si l’économie sociale et solidaire sert à répondre concrètement aux urgences immédiates, elle peine à dépasser les problèmes de fond qu'elle combat et à imaginer d’autres formes d’organisation sociale.
Après l'économie sociale et solidaire, Julien Vignet formule également une critique de l'humanitaire. Car depuis l'origine de l'humanitaire dans le comité international de la Croix-Rouge en 1864 (charte de Genève), qui portait des valeurs humaines et des idéaux forts, les ONG ont elles-aussi fini par entrer dans les mêmes logiques marchandes que les entreprises capitalistes classiques.
La faille principale des ONG humanitaires se trouve certainement dans leur dépendance aux dons d'entreprises et d’États. Peu d'organisations peuvent se vanter de se reposer uniquement sur les dons de leurs adhérents. A partir de là, il existe une tension qui impose l'apolitisme, et inhibe les revendications sociales pourtant nécessaire à leurs causes.
Bien que beaucoup finissent donc effectivement par servir des intérêts capitalistes, les associations ont le mérite non négligeable de renforcer les liens sociaux, d'expérimenter des alternatives aux organisations économiques classiques, de créer des réponses au chômage, et de participer aux luttes sociale et environnementale. Parfois même, en donnant une forme aux idées utopiques de leurs membres, elles offrent de nouveaux projets de société.
Cela peut être difficile à croire tant certains choisissent le monde associatif (emploi ou bénévolat) pour son mode de vie alternatif, en rupture avec le salariat classique. Même si l'emploi associatif relève du choix personnel et non pas d'une logique de classes, on remarque des schémas discriminants bien réels.
Car si les associations ont des buts non lucratifs, elles restent articulées autour de projets et de missions qui nécessitent des fonds. Ces fonds, pour être obtenus, demandent souvent d'avoir une réelle stratégie d'entreprise: du management interne au marketing.
Que le financement des associations soit issu de subventions, de crowdfunding, ou de fondations d'entreprises, il y a une priorité qui est donnée aux associations les plus efficaces et les plus rentables. Pour lever des fonds, les associations doivent suivre des logiques d'entreprise et souvent se mettre en concurrence entre elles. Elles doivent répondre à des attentes précises et font alors de leur activité une véritable prestation économique.
Dans les services dédiés à la recherche de fonds (ou fundraising) il est question de vente et de communication d'entreprise. Dans ce domaine, associations et start-ups recourent aux mêmes méthodes.
Lorsque l'on regarde Greenpeace par exemple, on réalise l'ampleur que peut prendre la professionnalisation d'une organisation associative. En l'occurrence, il s'agit aujourd'hui d'un véritable lobby, avec une structure internationale pyramidale, des centaines salariés en France et des méthodes de management similaires à celles des plus grandes entreprises. On n'imaginerait pas que Greenpeace France est une association Loi de 1901 lorsque l'on assiste à leurs techniques de marketing direct dans la rue, tant leurs collecteurs de fonds sont rodés et professionnels. Collecteurs d'ailleurs souvent travailleurs précaires, qui sont certes mieux payés que chez Uber, mais pas mieux couverts.
Puisque les associations qui réussissent le mieux économiquement sont les plus à même de se développer, l'associationnisme a laissé place à de nouveaux types d'organisations. Entre autre, au paradoxe qu'est l’économie sociale et solidaire. Le terme lui-même ressemble un peu à un oxymore. Il s'agit de revendiquer des valeurs humaines et de l'innovation sociale, tout en produisant de la richesse sur le Marché et en plaçant le travail et l’économique au centre des rapports sociaux. Plutôt que de chercher à créer de nouveaux modes d'échange économique, la stratégie de l’économie solidaire est de s'intégrer au monde économique classique. Elle cultive alors le partenariat, le compromis et la négociation, en ignorant ses clivages initiaux avec le système socio-économique qui crée les inégalités.
Si l’économie sociale et solidaire sert à répondre concrètement aux urgences immédiates, elle peine à dépasser les problèmes de fond qu'elle combat et à imaginer d’autres formes d’organisation sociale.
Après l'économie sociale et solidaire, Julien Vignet formule également une critique de l'humanitaire. Car depuis l'origine de l'humanitaire dans le comité international de la Croix-Rouge en 1864 (charte de Genève), qui portait des valeurs humaines et des idéaux forts, les ONG ont elles-aussi fini par entrer dans les mêmes logiques marchandes que les entreprises capitalistes classiques.
La faille principale des ONG humanitaires se trouve certainement dans leur dépendance aux dons d'entreprises et d’États. Peu d'organisations peuvent se vanter de se reposer uniquement sur les dons de leurs adhérents. A partir de là, il existe une tension qui impose l'apolitisme, et inhibe les revendications sociales pourtant nécessaire à leurs causes.
Bien que beaucoup finissent donc effectivement par servir des intérêts capitalistes, les associations ont le mérite non négligeable de renforcer les liens sociaux, d'expérimenter des alternatives aux organisations économiques classiques, de créer des réponses au chômage, et de participer aux luttes sociale et environnementale. Parfois même, en donnant une forme aux idées utopiques de leurs membres, elles offrent de nouveaux projets de société.
"Le terme "associations" englobe en France les associations de Loi de 1901, les collectifs informels, les ONGs, les coopératives à but social et solidaire et les syndicats. On y retrouve des associations militantes, des associations d'économie solidaire et des associations de loisirs. Leurs points communs étant d'avoir un objectif principal non-lucratif, de fonctionner démocratiquement et d'être extérieures à l'administration publique.