Le tourisme médical en 10 questions


Par Rédigé le 07/06/2019 (dernière modification le 11/03/2021)

Il a le vent en poupe. On en parle dans les reportages télé, les magazines et le web : le tourisme médical est partout. Pourtant, que sait-on vraiment de lui? Comment le définir? Séduit-il les Français? Permet-il réellement de réaliser des économies? Quels pays pour quelle spécialité? Ce sont quelques-unes des dix questions auxquelles nous répondons aujourd’hui.


Chaque année, plus de 10 millions de touristes voyagent pour des raisons médicales dans le monde. Photo (c) Porapak Apichodilok - Pexels
1 - Qu’est-ce que le tourisme médical ?
Le "tourisme médical" consiste à choisir de subir un acte médical dans un pays étranger. Ce choix est principalement réalisé pour des raisons financières (prix plus bas). En effet qui irait à l'étranger subir un acte médical ou chirurgical s'il pouvait le faire près de chez lui. Mais voilà, souvent les coûts à l'étranger sont moindres.

2 - Depuis quand existe-t-il ?
Les premiers longs déplacements réalisés pour se soigner remontent… à l’antiquité. On se déplace alors en Grèce pour profiter de la médecine hippocratique qui utilise les vertus curatives des bains chauds et froids. C’est d’ailleurs l’une des formes de tourisme les plus anciennes que l’on connaisse. Il faudra attendre le XXème siècle et les progrès technologiques (notamment les transports) pour voir se développer un tourisme médical qui dépasse les frontières et les océans. Désormais, chaque année, plus de 10 millions de touristes voyagent pour des raisons médicales dans le monde. Le pays leader du tourisme médical est la Thaïlande avec un nombre annuel de patients étrangers estimé à 3 millions.

3 - Pourquoi se développe-t-il ?
Au-delà des raisons technologiques évoquées ci-dessus, le développement s’explique essentiellement pour des raisons purement économique comme le reprend cet article sur le tourisme médical et économique. Cela s'explique donc par une augmentation du coût des soins dans les pays industrialisés, conjuguée à un maintien à un niveau très bas de ces coûts dans les pays en développement. D’autre part, le tourisme médical constitue une parade aux délais d’attente très importants auxquels sont désormais confrontés les patients de pays tels que les Etats-Unis, le Canada ou le Royaume-Uni. D’autant plus que les consommateurs européens ont de plus en plus confiance dans les soins prodigués dans les pays en développement. Une étude nous apprend même que "73% des Européens considèrent que les soins prodigués par les médecins ayant obtenu leur diplôme en dehors de la communauté européenne sont identiques à ceux d’un médecin diplômé d’un pays d’Europe”(1). De plus, avec Internet, les patients accèdent désormais à toute l’information sur les offres médicales dans tous les pays du monde. Des sites spécialisés ont même été créés, y compris en France (par exemple : meditravel.fr).
Enfin, certaines destinations ont su jouer la carte du médical et de la destination touristique. C'est le cas des Canaries, proposant des soins dentaires (implants) qui permettent de profiter du tourisme et du climat tout le reste du séjour, entre les différents soins, réalisés en accéléré. 

À chaque pays sa spécialité

4 - Quels pays pour quelles spécialités ?
L’illustration ci-dessus détaille les principales destinations pour chaque spécialité.

5 - Peut-on être pris en charge par la sécurité sociale ?
Non. Tous les frais restent à la charge du patient. Sauf à respecter 2 conditions : que les soins en question figurent parmi les prestations prévues par la législation de l'Etat de résidence, et que les soins reçus à l'étranger ne puissent être dispensés au patient dans son propre pays dans le délai nécessaire (arrêt Cour de justice de l'UE 9 octobre 2014).

6 - Les étrangers viennent-ils se faire soigner en France ?
La France est très en retard dans ce domaine. Alors que l’Allemagne reçoit chaque année 50.000 patients étrangers (2 milliards d’euros générés), la France recense seulement 6.000 nouveaux visas temporaires pour soins (120 millions d’euros générés) (2). Très loin derrière la Tunisie qui déclare accueillir chaque année 500.000 patients étrangers, pour ne compter que ceux venus subir une opération de chirurgie esthétique.

7 - Combien de Français figurent parmi les touristes médicaux ?
Les derniers chiffres officiels (étude BVA 2014) indiquent que 2% des Français (soit environ 1,3 million) ont déjà bénéficié de soins en dehors de nos frontières. Mais la même étude révèle que 11% d’entre eux (7,2 millions) reconnaissent y penser de plus en plus sérieusement. Leurs destinations privilégiées: l’Europe de l’Est pour la proximité géographique et son appartenance à l’Europe. La Tunisie et le Maroc car ce sont des pays francophones.

Les professionnels de santé appellent à la vigilance

La Tunisie : ses palmiers, ses plages... et ses cliniques de chirurgie esthétique. Photo (c) Alex Sky - Pixabay
8 - N’est-il pas risqué de se faire soigner à l’étranger ?
Au niveau de la qualification du personnel soignant, certains pays présentent des niveaux équivalents aux médecins français. La Tunisie, par exemple, compte plus de 8.000 médecins dont le diplôme est reconnu en Europe. Les cliniques tunisiennes respectent aussi de plus en plus les standards européens.

Pour autant, les professionnels de santé appellent à la vigilance: "Se faire opérer à l’étranger est toujours plus risqué qu’en France où les contrôles et les accréditations sont rigoureux, alerte le docteur Damien Mascret, auteur du "Dicoguide de votre santé" (éditions Leduc). En règle générale, je recommande de s’en tenir à des opérations de bien-être, ou d’être accompagné ou conseillé par un professionnel en France. De plus, même si le tarif est extrêmement intéressant, il faut penser aux éventuelles complications : s’il faut retourner sur place, cela deviendra tout de suite moins économique! Surtout, les recours juridiques sont plus compliqués en cas de problème, si les résultats d’une chirurgie esthétique ne conviennent pas, par exemple" avertit-il. Avant toutes démarches, il faut vérifier que l’établissement où l’on envisage de se rendre soit sérieux. Pour ce type d'informations, il est possible de consulter le blog du docteur Evelyne Rattier (3) qui donne son avis et surtout explique comment cela se passe à l'étranger (lire le sujet sur le tourisme dentaire).

Il existe des guides destinés à conseiller les personnes tentées par une telle démarche. En matière de chirurgie esthétique, par exemple, la ISAPS, association internationale de chirurgie plastique et esthétique, a publié un "guide du voyage médical" pour y voir plus clair sur les risques encourus et les démarches à entreprendre avant tout voyage médical. Avec quelques conseils à suivre à la lettre: "choisir un établissement où l’on parle sa langue, chercher à entrer en contact avec le chirurgien avant l’intervention, rester sur place une semaine au moins après l’intervention pour pouvoir faire face à d’éventuelles complications… Et souscrire une assurance spécifique".

9 - Quels sont les écarts de prix ?
Les écarts de prix fluctuent bien évidemment en fonction du type de soin et du pays. À titre d’exemple, réaliser un lifting en Tunisie coûte 20 à 40% moins cher qu’en France, transport et hôtel inclus (prix en France: entre 4.500 et 6.000€). Pour une rhinoplastie, l’écart peut atteindre 50% (prix en France: 3.500€).

Concernant les implants dentaires, la solution hongroise est intéressante à partir de deux couronnes à poser. Les soins sont alors 20 à 30% moins chers qu’en France (en moyenne 800€ la couronne en France). Mais là aussi, il faut faire des comparaisons de prix. Ainsi toujours selon Evelyne Rattier, chirurgien dentiste à Paris, on peut lire que la pratique de tarifs conventionnés d'implants dentaires permet de recevoir un implant plus une prothèse en France autour de 1200 €, avec prise en charge par la sécurité sociale et mutuelle santé. Ce qui fait évidemment toute la différence.

En matière de chirurgie au laser des yeux, certains sites annoncent un écart de 60% entre la France et la Turquie, transport et hôtel inclus (soit 2.100€ d’économie).

Autre exemple: le Maroc propose des prix inférieurs de 50% sur les implants capillaires, hors coût du voyage (prix en France pour 2500 greffons: environ 11.000€).

10 - Puis-je m’adresser à une agence de voyage pour organiser mon séjour médical ?
En France, non. La réglementation interdit aux agences de voyage de commercialiser des packages incluant des interventions chirurgicales. La raison: leur assurance de responsabilité civile ne garantira pas l’agence si elle est assignée par un client dont l’opération s’est mal déroulée ou en cas de problèmes post-opératoires.

Il est possible de s’adresser à une agence de voyage étrangère ou à une entreprise française qui n’a pas le statut d’agence de voyage. À noter qu’en France, il n’existe aucune instance (publique ou privée) habilitée à émettre un avis sur la qualité des soins médicaux prodigués dans un établissement étranger. Charge au patient de rechercher l’information, par le biais d’une entreprise intermédiaire, sur Internet… ou en se rendant sur place.

(1) Catherine LE BORGNE, “Le tourisme médical : une nouvelle façon de se soigner”, Les Tribunes de la santé, 15(2), pp. 47-53, 2007
(2) Valoriser les atouts de la France pour l’accueil des patients étrangers - Jean de Kervasdoué - 2014
(3) Evelyne Rattier - Chirurgien dentiste à Paris - https://dr-rattier-evelyne.chirurgiens-dentistes.fr
(4) Le site d'informations actudici.fr

Tourisme médical.m4a  (4.29 Mo)







Autres articles dans la même rubrique ou dossier: