Le syndrome de Shenandoah

Écoutez un regard décalé


Par Rédigé le 09/12/2015 (dernière modification le 09/12/2015)

Parlons-en puisqu’il le faut. Puisqu’il faut s’étonner au minimum, s’alarmer et paniquer pour certains, des résultats des élections régionales. Pourtant rien de si extraordinaire par rapport à d’autres élections précédentes. Le spectre du FN s’est depuis les années 80 renforcé jusqu’à être une réalité qui fait encore plus peur.


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Ce cadeau nous le devons d’abord à nous-même. Ne l’oublions pas. N’oublions pas que pour affaiblir la droite devenue Front républicain, nos politiciens ont réveillé la bête. François Mitterrand en premier. Celui qui aujourd’hui est auréolé des lauriers des grands hommes d’État fut comme tout à chacun un politicien confronté à des difficultés très bassement électorales. Pour se maintenir au pouvoir, il a fallu faire de la politique politicienne qu’il a d’ailleurs fait beaucoup mieux que d’autres. Avec certes une dimension et une connaissance de l’histoire qui lui a permis de réveiller les vieux démons français mais plus encore et tout simplement humains. Dans les années '80, les communistes ne faisaient plus peur, il a fallu trouver, ou plus exactement, réveiller un autre monstre. Le FN était prêt, 40 ans après la guerre, les faits commençaient à être prescrits, si j’ose dire. Surtout, une nouvelle génération avait vu le jour, une génération qui n’avait pas connu les horreurs du fascisme ni du nazisme, c’est-à-dire de l’extrême droite. Celles des communistes commençaient à être révélées avec beaucoup de difficultés et par conséquent de lenteur.
Le constat est sévère mais réel, notre système politique engendre régulièrement des monstres. Ces monstres qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite servent de porte-parole à la part d’électeurs qui s’estiment floués, victimes de la société dans laquelle ils évoluent, à juste titre ou non, ce n’est pas la question.
Ironie du sort, au moment où les femmes tentent de plus en plus de faire entendre leurs voix au sein d’une société qui les a trop souvent ignorées, ce sont deux femmes qui cristallisent l’espoir pour certains - on se demande en quoi d’ailleurs - et le dégoût pour d’autres. François Giroud avait peut-être raison lorsqu’elle disait que "la femme sera vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente". On y est.
Aujourd’hui on crie haro sur ces électeurs qui ont choisi de mettre dans l’urne un bulletin bleu marine. De quoi nous plaignions nous? Puisque nous leur donnons l’occasion de s’exprimer, ils s’expriment. Ils expriment leur mécontentement de ne pas avoir à leurs yeux été suffisamment bénéficiaires du système. Alors plutôt que de les mépriser, de les injurier, il faudrait peut-être revoir le système, parce que dans 50 ans, vous verrez, ce sera de l’extrême gauche que nous aurons peur.
Si vous avez voté pour l’extrême droite, on vous dispute. Mais si vous n’avez pas voté du tout, ce n’est pas mieux. Les donneurs de leçons sont à leur poste pour vous rappeler la chance que vous avez de vous exprimer par rapport à d’autres ailleurs qui aimeraient bien le faire et qui ne le peuvent pas. Mais rien sur la prise en compte de ce choix de ne pas voter ou de voter blanc. Quand nos politiciens comprendront ils que ces deux autres choix sont aussi des formes d’expression électorales? Que ceux qui choisissent de ne pas voter ou de voter blanc ne se reconnaissent tout simplement pas dans les partis politiques actuels mais plus encore dans la société telle quelle se présente aujourd’hui.
Je ne suis pas sûre que nous vivions actuellement l’ère de la médiocratie. La médiocrité est inhérente à la nature humaine. Seuls parfois des moments forts permettent à l’homme et à la femme de la dépasser et de montrer ce dont ils sont capables. Nous n’en sommes pas là et ce n’est peut-être pas plus mal. Quand nous y serons cela voudra dire qu’un nouveau choc historique est arrivé et personnellement je ne suis pas pressée, car de toute façon, cela ne changera rien au cycle immuable du temps et entre temps comme d’habitude cela fera beaucoup de victimes.
Nous sommes victimes du syndrome de Shenandoah, expression éponyme tirée de l'excellent film avec James Stewart racontant l'histoire d'un homme qui ne voulait pas être mêlé aux histoires des autres car ne se sentant pas concerné jusqu'à ce que celles-ci arrivent chez lui et lui enlèvent les êtres les plus chers.






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