Le Grand Imam de la Mosquée de Djingarey Ber dans la bibliothèque familiale Ben Essayouti. Photo (c) Myrline Mathieu
L’histoire des manuscrits a commencé au XVIe siècle où la Cité mystérieuse a connu son heure la plus florissante sous l’empire des Askia de Gao. Les échanges commerciaux et intellectuels se sont développés notamment avec l’arrivée d’intellectuels et riches arabo-berbères, fuyant l’Andalousie tombée aux mains des Chrétiens. Avec 180 écoles coraniques et trois universités dont la prestigieuse Sankoré, Sidi Yehia et Djingarey Ber, la Cité recevaient 25.000 étudiants de diverses nationalités. Scribes, calligraphes, décorateurs, copistes ont favorisé la multiplication des écrits dont la valeur dépassait celle de l’or, comme l’a souligné le Marocain Al Hassan Al Wazzani, de passage à Tombouctou en 1510, plus connu sous le nom de Jean Léon l’Africain.
Au moins une trentaine de familles de Tombouctou ont hérité de leurs arrières grands-parents des milliers de manuscrits anciens. L’une d’entre elle est celle de la famille Ben Essayouti avec à sa tête le Grand Imam de la Mosquée de Djingarey Ber, M. Abdramane Ben Essayouti. Ce dernier fait savoir que ses aïeux sont venus d’Irak pour s’installer à Tombouctou. Leur bibliothèque comprend 8000 manuscrits dont 3000 d’entre eux avaient déjà été catalogués avant la crise. Les plus anciens datent du XIe siècle et parlent de L’histoire, du Coran, de la littérature, de la philosophie, de l’astrologie, de l’astronomie, de la médecine.
Plusieurs offres ont été faites à la famille Ben Essayouti pour les transporter vers Bamako. Craignant les embuches, l’Imam a toujours refusé de prendre le risque que les manuscrits soient interceptés par les occupants. Aussi, "au lendemain de l’occupation, on a pris les manuscrits pêle-mêle pour les mettre dans un endroit secret où aucun membre de la famille, à part mon frère et moi, sommes au courant", a expliqué le Grand Imam.
Au moins une trentaine de familles de Tombouctou ont hérité de leurs arrières grands-parents des milliers de manuscrits anciens. L’une d’entre elle est celle de la famille Ben Essayouti avec à sa tête le Grand Imam de la Mosquée de Djingarey Ber, M. Abdramane Ben Essayouti. Ce dernier fait savoir que ses aïeux sont venus d’Irak pour s’installer à Tombouctou. Leur bibliothèque comprend 8000 manuscrits dont 3000 d’entre eux avaient déjà été catalogués avant la crise. Les plus anciens datent du XIe siècle et parlent de L’histoire, du Coran, de la littérature, de la philosophie, de l’astrologie, de l’astronomie, de la médecine.
Plusieurs offres ont été faites à la famille Ben Essayouti pour les transporter vers Bamako. Craignant les embuches, l’Imam a toujours refusé de prendre le risque que les manuscrits soient interceptés par les occupants. Aussi, "au lendemain de l’occupation, on a pris les manuscrits pêle-mêle pour les mettre dans un endroit secret où aucun membre de la famille, à part mon frère et moi, sommes au courant", a expliqué le Grand Imam.
Un manuscrit dans la bibliothèque familiale Ben Essayouti. Photo (c) Myrline Mathieu
La tâche n’a pas été facile de garder ces manuscrits à l’insu des forces destructrices. “Nous avons creusé, emballé dans des matières plastiques, enfoui dans des cantines avant de les cacher au fin fond de l’endroit désigné pour les protéger”, révèle le Président du Haut-Conseil Islamique, M. Ben Essayouti. Selon lui, cet effort est devoir de mémoire pour “l’amour des manuscrits inculqué par nos arrières grands-pères qui nous ont appris de les garder jalousement”.
Sauvegarder un patrimoine mondial
Nous avons obtenu un rendez-vous en fin d’après-midi avec le responsable de cette bibliothèque familiale de Mohamed Tahar. A notre arrivée, il nous a fait pénétrer dans une pièce sombre à l’arrière-cour d’une maison au quartier Sankoré à Tombouctou. Au fond, s’empilent des objets de construction traînant à côté de cantines et de malles contenant une partie des manuscrits de la bibliothèque Mohamed Tahar. Dans la maison en face, de l’autre côté de la rue, est conservée une deuxième partie. Le reste se trouve dans les locaux en réhabilitation, grâce à des fonds fournis par une ONG internationale.
L’histoire des manuscrits de la bibliothèque familiale de Mohamed Tahar n’est pas si différente. La cinquième génération de sa descendance garde les manuscrits dans diverses demeures familiales. La bibliothèques allait être inaugurée en 2012 quand la crise a survenu. Pour les sauvegarder, Abdoul White Haidara a dispersé les quelques 3000 manuscrits anciens dans les maisons des membres de la famille qui sont pour la plupart des arabisants. Des sujets variés y sont étudiés : le soufisme, le Coran, la magie, la jurisprudence, la résolution de conflit, des messages de paix, la loi Islamique, l’astrologie en langue Hébreu, Sonrahi et Arabe, daté du siècle de l’Hégire, celui du XIIIe.
Avant de fuir avec sa famille vers le Sud, A. W. Haidara, a stocké dans des cantines un certain nombre élevé de manuscrits. De grosses pierres ont servi pour bloquer la porte de l’entrepôt. “Les jeunes cousins sont restés à la maison, malgré la crise, et prenaient le thé devant la maison. Les occupants ne soupconnaient nullement qu’ils montaient la garde en raison des manuscrits qui y étaient cachés”, a commenté M. Haidara. Toutefois, il déplore la détérioration des locaux et des meubles de la bibliothèque par les explosions et les impacts de balles affectés par la crise.
Au petit soir, le professeur d’arabe, Sidi Allimam Maiga, nous a accueillies à l’Institut Ahmed Baba, où il travaille comme chef de la section de numérisation des manuscrits. C’est un homme passionné par les manuscrits, s’y abreuvant depuis son enfance. Abandonnant sa carrière de professeur d’arabe, il s’occupe depuis 14 ans de la prospection, la traduction, du catalogage et de la numérisation de ce qu’il appelle “la passion des Tombouctiens”. “C’est une fierté pour moi de travailler à la sauvegarde de ce patrimoine mondial, ce trésor inestimable”, déclare-t-il, avec une lueur d’espoir dans les yeux.
En dehors de son poste officiel, il est à la tête de la bibliothèque privée Al Mustapha Konaté gérée par une communauté de quatre familles vivant au quartier Badjindé. Deux milles manuscrits parlant de l’éducation familiale, les bonnes moeurs, le commerce entre Tombouctou et Djenné, les conflits familiaux, la cohésion sociale, le Coran, le droit Malikit, la littérature arabo-africaine, l’astrologie, l’astrologie, la licence de transmission des connaissances ont été sauvés par ce consortium familial. "Nous nous déplacons à la tombée de la nuit avec les manuscrits dans des cartons, se cachant dans chaque coin, à la faveur de l’obscurité. De jeunes frères, nous précédaient pour nous signaler quand le chemin est libre", se souvient, M. Maiga. Un sacrifice nécessaire mais qui se faisait "au péril de nos vies, dans des conditions difficiles", dit-il.
Entre autres histoires, le professeur d’arabe et traducteur de manuscrits, nous a fait l’honneur d’un petit détour aux salles de numérisation de l’Institut Ahmed Baba et d’exposition des manuscrits. Les étagères de la salle de numérisation que nous avons visitée sont vides. Jadis, les manuscrits catalogués y étaient exposés. Avant d’être chassé par l’opération francaise, Serval, les occupants des locaux de l’Institut, en ont brûlé quatre milles. Dans la salle d’exposition, on peut voir des morceaux calcinés de manuscrits; un ou deux exemplaires sont encore lisibles parce que tirés du feu par des membres de la population.
L’histoire des manuscrits de la bibliothèque familiale de Mohamed Tahar n’est pas si différente. La cinquième génération de sa descendance garde les manuscrits dans diverses demeures familiales. La bibliothèques allait être inaugurée en 2012 quand la crise a survenu. Pour les sauvegarder, Abdoul White Haidara a dispersé les quelques 3000 manuscrits anciens dans les maisons des membres de la famille qui sont pour la plupart des arabisants. Des sujets variés y sont étudiés : le soufisme, le Coran, la magie, la jurisprudence, la résolution de conflit, des messages de paix, la loi Islamique, l’astrologie en langue Hébreu, Sonrahi et Arabe, daté du siècle de l’Hégire, celui du XIIIe.
Avant de fuir avec sa famille vers le Sud, A. W. Haidara, a stocké dans des cantines un certain nombre élevé de manuscrits. De grosses pierres ont servi pour bloquer la porte de l’entrepôt. “Les jeunes cousins sont restés à la maison, malgré la crise, et prenaient le thé devant la maison. Les occupants ne soupconnaient nullement qu’ils montaient la garde en raison des manuscrits qui y étaient cachés”, a commenté M. Haidara. Toutefois, il déplore la détérioration des locaux et des meubles de la bibliothèque par les explosions et les impacts de balles affectés par la crise.
Au petit soir, le professeur d’arabe, Sidi Allimam Maiga, nous a accueillies à l’Institut Ahmed Baba, où il travaille comme chef de la section de numérisation des manuscrits. C’est un homme passionné par les manuscrits, s’y abreuvant depuis son enfance. Abandonnant sa carrière de professeur d’arabe, il s’occupe depuis 14 ans de la prospection, la traduction, du catalogage et de la numérisation de ce qu’il appelle “la passion des Tombouctiens”. “C’est une fierté pour moi de travailler à la sauvegarde de ce patrimoine mondial, ce trésor inestimable”, déclare-t-il, avec une lueur d’espoir dans les yeux.
En dehors de son poste officiel, il est à la tête de la bibliothèque privée Al Mustapha Konaté gérée par une communauté de quatre familles vivant au quartier Badjindé. Deux milles manuscrits parlant de l’éducation familiale, les bonnes moeurs, le commerce entre Tombouctou et Djenné, les conflits familiaux, la cohésion sociale, le Coran, le droit Malikit, la littérature arabo-africaine, l’astrologie, l’astrologie, la licence de transmission des connaissances ont été sauvés par ce consortium familial. "Nous nous déplacons à la tombée de la nuit avec les manuscrits dans des cartons, se cachant dans chaque coin, à la faveur de l’obscurité. De jeunes frères, nous précédaient pour nous signaler quand le chemin est libre", se souvient, M. Maiga. Un sacrifice nécessaire mais qui se faisait "au péril de nos vies, dans des conditions difficiles", dit-il.
Entre autres histoires, le professeur d’arabe et traducteur de manuscrits, nous a fait l’honneur d’un petit détour aux salles de numérisation de l’Institut Ahmed Baba et d’exposition des manuscrits. Les étagères de la salle de numérisation que nous avons visitée sont vides. Jadis, les manuscrits catalogués y étaient exposés. Avant d’être chassé par l’opération francaise, Serval, les occupants des locaux de l’Institut, en ont brûlé quatre milles. Dans la salle d’exposition, on peut voir des morceaux calcinés de manuscrits; un ou deux exemplaires sont encore lisibles parce que tirés du feu par des membres de la population.
Tombouctou, la source du savoir et de la sagesse
Les Tombouctiens ont soif de stabilité et caressent le désir que les manuscrits soient traduits en d’autres langues pour faciliter la diffusion du savoir qui y est contenu. "Les manuscrits sont notre mémoire, notre savoir être. Notre histoire s’y trouve. Nous constituons un seul noyau, il n’y a pas de frontière entre les ethnies au Mali. Il faut s’inspirer du passé pour faire revivre la cohésion sociale". La période d’avant la crise où les touristes, chercheurs et étudiants affluaient à Tombouctou fait rêver. Ils vivent dans l’espoir de voir leur pays revenir à la stabilité. En attendant, les responsables des bibliothèques familiales et de l’Institut Ahmed Baba sensibilisent la jeune génération sur l’importance des manuscrits afin de perpétuer la valeur et la sagesse exprimées par les érudits de l’époque.