"Nous sommes en présence de deux modèles d’alcoolisation féminine: un modèle traditionnel, latin, où la femme est peu consommatrice par rapport aux hommes, et un modèle égalitaire, en progression chez les jeunes, où la femme considère qu’elle peut boire comme les hommes" a expliqué Marie Choquet, présidente du comité scientifique de l’Ireb. "Pour ce qui concerne la France, nous devons nous poser la question de l’alcoolisation des jeunes, et notamment des jeunes femmes. Nous sommes désormais au-dessus de la moyenne européenne et, même si elle reste bien sûr minoritaire, notre alcoolisation excessive juvénile augmente alors qu’elle tend à baisser dans les autres pays européens".
Cette journée a permis de dresser un panorama complet sur un sujet qui reste encore bien souvent un tabou. Voici quelques conclusions:
Sur le plan épidémiologique, chez les adultes, la baisse de la consommation quotidienne dans la population française s’accompagne d’une baisse du "sex ratio", c’est-à-dire de la différence de comportement entre hommes et femmes qui passe de trois (trois fois plus de consommateurs hommes) à un peu plus de deux entre 1999 et 2011. Le modèle diffère chez les jeunes où l’on assiste à une augmentation globale des alcoolisations et à un écart garçons/filles qui tend à disparaître, à l’instar de certains pays d’Europe du Nord.
L’analyse sociologique montre même que deux modèles coexistent, y compris chez les jeunes, avec des jeunes filles conformes au modèle traditionnel et peu consommatrices et des jeunes filles, aspirant au modèle égalitaire, qui considèrent qu’elles peuvent boire autant que les garçons. Le rôle de l’autorité parentale semble central dans l’adoption de l’un ou l’autre de ces modèles. Dans ce cadre, la sexualité subie ou regrettée lors d’un épisode d’alcoolisation aiguë semble se développer et constitue un enjeu particulier, souligné par les experts, et concernant presqu’à égalité les jeunes filles et les jeunes garçons (13 % et 12 %).
L’approche historique montre, que dès la Renaissance, la femme qui boit est d’abord considérée comme une femme qui boit trop. Elle ne peut être qu’une consommatrice excessive, une "ivrognesse". On éduque les femmes à être non-buveuses, à surveiller leur mari et à élever leurs enfants dans la sobriété. Ce stéréotype va traverser les époques. Au XVIIIe siècle, on remarque des discours savants qui décrivent une maladie spécifique qui frappe la buveuse: la combustion humaine spontanée! Dans certaines circonstances, le corps de la femme rempli d’alcool se met à brûler spontanément. Un phénomène doctement décrit par des médecins de l’époque. Il faudra attendre les années 70 et l’apparition des études "genrées", qui analysent les phénomènes de consommation par sexe, pour que la manière de considérer les femmes et l’alcool évolue. C’est aussi le moment de la construction identitaire des femmes, de leur prise de parole dans l’espace public. Les analyses historiques soulignent l’importance des représentations: dans les études conduites sur l’alcoolisation des femmes en Bretagne, on retrouve l’expression d’une vision masculine de la place dévolue aux femmes dans la société. Dans les médias, notamment à la radio, la femme qui boit n’existe pas dans les sujets entre 1945 et 1970. La question de l’alcool au féminin ne se pose dans les émissions qu’à partir de la fin des années 70.
En ce qui concerne le métabolisme, le pic d’alcoolémie intervient plus tôt chez la femme, du fait notamment d’un espace de diffusion de l’alcool (qui se diffuse dans la masse liquide) moindre, l’eau représentant 55 % du poids total chez la femme contre 65 % chez l’homme. De la même manière, l’épidémiologie comparée des pathologies du foie montre que les œstrogènes favorisent, à consommation d’alcool égale, le développement de la cirrhose du foie chez la femme. Face à l’alcoolo-dépendance, les femmes présentent aussi un profil différent de celui des hommes: elles entrent plus tard dans la dépendance mais en sortent aussi plus rapidement. En revanche, du fait de leur plus grande vulnérabilité aux effets toxiques, elles présentent une morbidité somatique plus importante tout en bénéficiant d’un meilleur pronostic et d’une meilleure récupération à l’abstinence. On note aussi que, si les patients malades de l’alcool sont rarement traités, c’est encore plus vrai pour les femmes du fait du phénomène de stigmatisation. Une réponse consiste à ouvrir des consultations spécifiques pour les femmes en vue de faciliter la prise en charge dans un climat de confiance, par exemple dans le cadre de groupes de parole. Il s’agit aussi en particulier pour les femmes de ré-apprivoiser leur corps et d’accepter de se faire du bien.
Cette journée a permis de dresser un panorama complet sur un sujet qui reste encore bien souvent un tabou. Voici quelques conclusions:
Sur le plan épidémiologique, chez les adultes, la baisse de la consommation quotidienne dans la population française s’accompagne d’une baisse du "sex ratio", c’est-à-dire de la différence de comportement entre hommes et femmes qui passe de trois (trois fois plus de consommateurs hommes) à un peu plus de deux entre 1999 et 2011. Le modèle diffère chez les jeunes où l’on assiste à une augmentation globale des alcoolisations et à un écart garçons/filles qui tend à disparaître, à l’instar de certains pays d’Europe du Nord.
L’analyse sociologique montre même que deux modèles coexistent, y compris chez les jeunes, avec des jeunes filles conformes au modèle traditionnel et peu consommatrices et des jeunes filles, aspirant au modèle égalitaire, qui considèrent qu’elles peuvent boire autant que les garçons. Le rôle de l’autorité parentale semble central dans l’adoption de l’un ou l’autre de ces modèles. Dans ce cadre, la sexualité subie ou regrettée lors d’un épisode d’alcoolisation aiguë semble se développer et constitue un enjeu particulier, souligné par les experts, et concernant presqu’à égalité les jeunes filles et les jeunes garçons (13 % et 12 %).
L’approche historique montre, que dès la Renaissance, la femme qui boit est d’abord considérée comme une femme qui boit trop. Elle ne peut être qu’une consommatrice excessive, une "ivrognesse". On éduque les femmes à être non-buveuses, à surveiller leur mari et à élever leurs enfants dans la sobriété. Ce stéréotype va traverser les époques. Au XVIIIe siècle, on remarque des discours savants qui décrivent une maladie spécifique qui frappe la buveuse: la combustion humaine spontanée! Dans certaines circonstances, le corps de la femme rempli d’alcool se met à brûler spontanément. Un phénomène doctement décrit par des médecins de l’époque. Il faudra attendre les années 70 et l’apparition des études "genrées", qui analysent les phénomènes de consommation par sexe, pour que la manière de considérer les femmes et l’alcool évolue. C’est aussi le moment de la construction identitaire des femmes, de leur prise de parole dans l’espace public. Les analyses historiques soulignent l’importance des représentations: dans les études conduites sur l’alcoolisation des femmes en Bretagne, on retrouve l’expression d’une vision masculine de la place dévolue aux femmes dans la société. Dans les médias, notamment à la radio, la femme qui boit n’existe pas dans les sujets entre 1945 et 1970. La question de l’alcool au féminin ne se pose dans les émissions qu’à partir de la fin des années 70.
En ce qui concerne le métabolisme, le pic d’alcoolémie intervient plus tôt chez la femme, du fait notamment d’un espace de diffusion de l’alcool (qui se diffuse dans la masse liquide) moindre, l’eau représentant 55 % du poids total chez la femme contre 65 % chez l’homme. De la même manière, l’épidémiologie comparée des pathologies du foie montre que les œstrogènes favorisent, à consommation d’alcool égale, le développement de la cirrhose du foie chez la femme. Face à l’alcoolo-dépendance, les femmes présentent aussi un profil différent de celui des hommes: elles entrent plus tard dans la dépendance mais en sortent aussi plus rapidement. En revanche, du fait de leur plus grande vulnérabilité aux effets toxiques, elles présentent une morbidité somatique plus importante tout en bénéficiant d’un meilleur pronostic et d’une meilleure récupération à l’abstinence. On note aussi que, si les patients malades de l’alcool sont rarement traités, c’est encore plus vrai pour les femmes du fait du phénomène de stigmatisation. Une réponse consiste à ouvrir des consultations spécifiques pour les femmes en vue de faciliter la prise en charge dans un climat de confiance, par exemple dans le cadre de groupes de parole. Il s’agit aussi en particulier pour les femmes de ré-apprivoiser leur corps et d’accepter de se faire du bien.