Le plus choquant: deux chemises arrachées ou 2900 personnes au chômage?

Écoutez un regard décalé


Par Rédigé le 07/10/2015 (dernière modification le 07/10/2015)

Depuis plusieurs années, il existe sur Internet des sites consacrés à la critique des médias. Tout aussi pluriels que les médias, les différents bords d'opinion sont présents. Le traitement de l'affaire d'Air France est symptomatique de la façon de traiter l'info.


Chemises arrachées.mp3  (449.83 Ko)

Ces sites sont pluriels dans leurs orientations politiques, peut-être même plus encore que les médias classiques - il y en a de droite, nettement de droite j'entends, et de gauche, nettement de gauche j'entends tout autant, et qui en plus n'oublient surtout pas de se critiquer entre eux.
Acrimed qui est le site de critique des médias situé le plus à gauche, a été le plus rapide à réagir suite à l'agression dont ont été victimes des dirigeants de la compagnie Air France après que ceux-ci aient annoncé la suppression de près de 3000 emplois. En général, ce n'est pas l'habitude de ce site qui a une publication régulière mais non quotidienne. Mais cette fois-ci, l'actualité l'imposait. Le sujet était trop tentant et il leur fallait intervenir. Acrimed - à juste titre semble-t-il -, a cité les nombreuses "unes" de la presse française, manifestant leur colère, leur honte, leur dégoût face aux violences de quelques salariés dont on ne sait pas encore s'il sont syndiqués ou non. Photos de "unes" à l'appui, il semble en effet que cette presse française ne veuille voir qu'un côté du médaillon. Pourtant si on y regarde de plus près, on peut voir que la "une" de l'Humanité n'est pas favorable à ces cadres agressés et qu'au contraire, elle tente d'expliquer que "qui sème le vent récolte la tempête". De même, si l'on parcourt un peu les réseaux sociaux, on s'aperçoit que de nombreux sites citent une vidéo de l'Obs, où l'on voit le désarroi d'une salariée devant l'indifférence de ces mêmes cadres futurs agressés. De même et toujours à bon escient, Regards.fr rappelle que ces agressions cachent la violence des licenciements dont peu - tellement nous y sommes habitués - semble choqué. Et de s'interroger toujours à juste titre, de savoir où est la vraie violence?
Un autre site "critique des médias" situé à l'opposé d'Acrimed, l'OJIM n'a encore rien publié mais cela ne devrait pas tarder. C'est regrettable d'ailleurs que celui-ci, seul représentant d'un courant différent des trois autres n'ait pas déjà publié sur le sujet. On se demande pourquoi?

Curieusement et à croire qu'il n'avait rien à dire de pertinent sur l'affaire, Daniel Schneidermann d'"Arrêt sur image" ne propose à ses lecteurs qu'une étude comparative sur des tweets entre la photo du DRH d'Air France torse nu et l’œuvre de Rodin des "Bourgeois de Calais" ou sur plusieurs versions de "l'Ecce Homo". L'un dans l'autre on peut se demander: quel rapport? Si ce n'est celui d'homme torse nu souffrant? Décevant.
Heureusement sur cette affaire, il y a le très bon papier d'Hubert Huertas sur Mediapart, le quatrième site qui se fait fort de critiquer les publications des confrères et consœurs. Et dont la conclusion est claire: "C’est bien simple: deux cadres supérieurs qui se retrouvent sans chemise, c’est insupportable, mais deux mille neuf cents personnes qui se retrouvent en caleçon, c’est la mondialisation"

Cette affaire est surtout la preuve que rien ou si peu a changé dans notre triste. Les patrons manifestent leur indifférence dans leur costume bien taillé et ce n'est même pas un cliché; les salariés - syndiqués ou non - leur désarroi tout en sachant que c'est perdu d'avance. Au sein de la même entreprise, les salariés cadre face aux salariés employés: les premiers n'ayant pas cédé, un plan B de la direction prêt à être dégainer l'est un peu trop rapidement pour ménager les concernés. Quant aux syndicats, puisqu'il faut en parler, ils ne contrôlent plus rien depuis longtemps. Un dialogue social? Mais quel dialogue social, chacun tire à lui la chemise de l'autre et régulièrement ce sont les mêmes qui gagnent. Rien de neuf sur la planète. Triste.





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