Le classique rencontre le jazz à Monaco


Par Rédigé le 13/05/2013 (dernière modification le 13/05/2013)

Une rencontre pour le meilleur, pas pour le pire...


Il a flotté comme un petit vent de Broadway sur l’Auditorium Rainier III ce week-end.
Le chef américain Wayne Marshall dans Gershwin, Copland et Bernstein, cela ne se refuse pas.
D’autant que les quatre partitions proposées brillent plutôt par leur absence au répertoire des principales phalanges frenchies. Un défi relevé avec brio par l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo qui révèle pour l’occasion une facette inattendue de son talent.
Voici donc en ouverture, le "Divertimento" de Léonard Bernstein, écrit pour le centenaire du symphonique de Boston. On reconnaît immédiatement la générosité de l’américain dans ces courtes pièces, presque des miniatures où plane l’ombre de "West Side Story", surtout dans la "Samba". Les rythmes endiablés sont d’un blues jazzy irrésistible d’ironie où le compositeur semble parfois singer les musiques des films noirs à la Hitchcock. En clin d’œil, une courte valse, merveilleuse de poésie, permettant au premier violon de délicates interventions. Un bref mais grand moment, qui fait dire que Wayne Marshall prend vraiment le chemin de Bernstein, tant il semble faire corps avec cette musique.

Le morceau très attendu par les happy few, fut bien sûr le "Concerto pour clarinette" d’Aaron Copland, écrit en 1948-1949, qui symbolise à lui seul la rencontre de la musique classique et du jazz. Créé, excusez du peu, par Benny Goodman, son dédicataire, à New York en 1950, s’y déploie ici toute une fraîcheur rapide, virtuose, enthousiasmante.
Classique et jazz cohabitent donc dans une parfaite harmonie. En choisissant un ensemble à cordes avec harpe et piano pour entourer la clarinette, Copland ne donne pas la priorité au jazz dans l'écriture de son œuvre mais se sert de l’improvisation, du phrasé, de la syncope pour suggérer ce style.
Deux parties entourent une époustouflante cadence: d'abord un magnifique mouvement lent, très long et endurant, où la clarinette chante à loisir avant de s'emporter dans la cadence; puis, la section rapide, enjouée, relevée, jazzy pour une œuvre à la fois intime, sensuelle, lyrique, brillante.
La clarinette aérienne, virtuose et dynamique de Marie-B. Barrière-Bilote, d’un lyrisme fou dans le bittersweet initial, s’intègre parfaitement dans le discours planant des cordes, avec un survol vertigineux de la partition qui relègue un tantinet, mais d’une manière sympathique, tant la connivence et la complicité sont grandes, ses amies harpiste et pianiste dans l’ombre. Le tout dans des jeux de dialogue d'une fraicheur spontanée et virevoltante. Un grand moment d'émotion et la révélation soudaine d’une vraie personnalité dans une musique accessible au plus grand nombre. Le public monégasque ne s'y est pas trompé qui a réservé une superbe ovation à la jolie soliste et ses comparses.

L'"Ouverture cubaine" mais plus encore "Porgy and Bess" ont été pour Gershwin ce que le "Boléro" a été pour Ravel: l’arbre qui cache la forêt. Ce concert vient nous rappeler que Gershwin fut avant d’être un également un grand chef d’orchestre, un compositeur inspiré et un symphoniste exceptionnel.
Ne cherchons surtout pas dans l’arrangement pompeusement appelé "Portrait symphonique" une banale suite orchestrale tirée de son célèbre opéra, un peu comme les "Suites de Carmen"!
S’encanaillant comme pas deux, même si on sent l’effort quelquefois, notre philharmonique s’en donne à cœur joie dans ces rythmes fantasques et colorés, tant la sonorité de la phalange n’a jamais parue si cohérente, si belle, si claire.
En quelques clips musicaux voici les thèmes principaux de la longue partition - de "Summertime" à la grandiose envolée lyrique finale où sont projetées toutes les espérances - qui permettent à certains musiciens de se tailler un petit quart d’heure de célébrité bien méritée.
Le chef, bridant son plateau comme pas deux, danse autant qu’il dirige ces notes subtiles pleines de swing, rumbas, percussions, xylophone, maracas, banjo, bongos, râpe et claves.
Comme disait ma voisine, décorée pour l’occasion comme un arbre de Noël: "par moment, il suffisait de fermer les yeux pour se sentir transporté dans les chaudes contrées de Caroline du Sud ou de Cuba".
En faisant un gros effort peut-être, mais alors vraiment gros…

Ouverture_cubaine_extrait.mp3  (215.02 Ko)






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