De l'écrivain ou du ministre ?
Entre écrivain et ministre sous le général De Gaulle, la légende Malraux s'inscrit dans le sillage d'un engagement intellectuel sans faille / (c) Arte
D'André Malraux, on connaît l'engagement de gauche, anticolonialiste dans sa jeunesse, et l’œuvre littéraire hantée par l'idée d'un bien commun supérieur.
Né de parents dunkerquois, Malraux grandit à Bondy, entouré de figures féminines. S'il ne se plaisait pas à évoquer son enfance, il conserva néanmoins de solides amitiés forgées à cette époque. Autodidacte, Malraux n'obtiendra pas de distinction académique ou scolaire particulières, mais se forge sa propre culture par des lectures assidues de Dumas, Flaubert, Corneille, Hugo, Flaubert, Nietzsche, Tolstoï, Dostoïevski, Michelet, Baudelaire, Loti.
Il milite un temps aux côtés du Parti Communiste au moment du Front Populaire et s'engage pendant la Guerre d’Espagne à la tête d'une escadrille d'aviation. La Condition Humaine, qui obtint le Prix Goncourt en 1933, reste son œuvre la plus empreinte de cette ardeur révolutionnaire, et constitue le livre de chevet de toute une génération existentialiste.
La période de la Seconde Guerre mondiale est plus floue concernant Malraux. Tout le monde se souvient néanmoins du panégyrique de Jean Moulin qu'il prononça avant le transfert de ses cendres au Panthéon. Le destin de la Résistance est suspendu au courage de cet homme.» déclara-t-il à cette occasion.
En politique, la rencontre du Général De Gaulle, alors voix de la France libre en exil à Londres, sera décisive dans la trajectoire politique d'André Malraux. Elle tient du coup de foudre. Pour la première fois de sa vie, Malraux accepte de se ranger derrière quelqu’un. L'excellent documentaire diffusé sur Arte résume la situation de la sorte : "Le général a trouvé son écrivain, l’écrivain a trouvé son grand homme. (...) Malraux se confond avec De Gaulle, qui s’identifie lui même avec la France."g[
Né de parents dunkerquois, Malraux grandit à Bondy, entouré de figures féminines. S'il ne se plaisait pas à évoquer son enfance, il conserva néanmoins de solides amitiés forgées à cette époque. Autodidacte, Malraux n'obtiendra pas de distinction académique ou scolaire particulières, mais se forge sa propre culture par des lectures assidues de Dumas, Flaubert, Corneille, Hugo, Flaubert, Nietzsche, Tolstoï, Dostoïevski, Michelet, Baudelaire, Loti.
Il milite un temps aux côtés du Parti Communiste au moment du Front Populaire et s'engage pendant la Guerre d’Espagne à la tête d'une escadrille d'aviation. La Condition Humaine, qui obtint le Prix Goncourt en 1933, reste son œuvre la plus empreinte de cette ardeur révolutionnaire, et constitue le livre de chevet de toute une génération existentialiste.
La période de la Seconde Guerre mondiale est plus floue concernant Malraux. Tout le monde se souvient néanmoins du panégyrique de Jean Moulin qu'il prononça avant le transfert de ses cendres au Panthéon. Le destin de la Résistance est suspendu au courage de cet homme.» déclara-t-il à cette occasion.
En politique, la rencontre du Général De Gaulle, alors voix de la France libre en exil à Londres, sera décisive dans la trajectoire politique d'André Malraux. Elle tient du coup de foudre. Pour la première fois de sa vie, Malraux accepte de se ranger derrière quelqu’un. L'excellent documentaire diffusé sur Arte résume la situation de la sorte : "Le général a trouvé son écrivain, l’écrivain a trouvé son grand homme. (...) Malraux se confond avec De Gaulle, qui s’identifie lui même avec la France."g[
Une certaine idée de la culture
Sous la houlette du général, Malraux occupa plusieurs postes à responsabilité. D'abord voix de la propagande du très éphémère parti Le Rassemblement du Peuple Français fondé par De Gaulle (1947-1953), il fut aussi ministre de la Communication, en charge du rayonnement de la culture française en 1958, une fois De Gaulle revenu au pouvoir.
On se souvient surtout de l'écrivain ayant reçu un ministère taillé sur mesure pour lui, à savoir le ministère des Affaires culturelles. Sur la scène politique, Malraux bénéficie de maigres soutiens de part et d’autre : les communistes voient en lui un traître, à partir du moment où il embrasse la politique du général De Gaulle ; la droite ne lui accordera qu’un crédit de façade et se méfiera de lui du fait de ses engagements de jeunesse, très marqués à gauche. Les gaullistes au pouvoir pensent qu’il est imprévisible, illuminé.
C’est pourtant sous Malraux que se développera « la culture pour tous », au service du patriotisme culturel de De Gaulle, qui entend maintenir la France dans le bal des grandes puissances. Au début des années 60, en contrepoint de la Guerre d’Algérie, un formidable vent de démocratisation de la culture souffle sur la capitale : tous les monuments nationaux sont restaurés et ravalés, les maisons de la culture fleurissent un peu partout en France pour décentraliser la « Culture » dans les « déserts artistiques » de certaines zones de province. Malraux estime en effet que certaines œuvres d’art produisent chez le spectateur un choc émotionnel et intellectuel proche de la transcendance. Cette transcendance doit être rendue accessible au plus grand nombre.
« Je dis que c’est une aventure dans le domaine de l’esprit parce qu’il faut que l’on comprenne bien que le mot « loisirs » devrait disparaître de notre vocabulaire commun. Oui, il faut que les gens aient des loisirs. Oui, il faut les aider à avoir les meilleurs loisirs du monde. Mais si la culture existe, ce n’est pas du tout pour que les gens s’amusent. Ce qu’on appelle la culture, c’est l’ensemble des réponses mystérieuses que peut se faire un homme quand il regarde dans une glace ce que sera son visage de mort. En face de la mort, il n’y a que ce qui résiste à la mort, en face des puissances de la nuit il n’y a que l’immortalité. » André Malraux
On se souvient surtout de l'écrivain ayant reçu un ministère taillé sur mesure pour lui, à savoir le ministère des Affaires culturelles. Sur la scène politique, Malraux bénéficie de maigres soutiens de part et d’autre : les communistes voient en lui un traître, à partir du moment où il embrasse la politique du général De Gaulle ; la droite ne lui accordera qu’un crédit de façade et se méfiera de lui du fait de ses engagements de jeunesse, très marqués à gauche. Les gaullistes au pouvoir pensent qu’il est imprévisible, illuminé.
C’est pourtant sous Malraux que se développera « la culture pour tous », au service du patriotisme culturel de De Gaulle, qui entend maintenir la France dans le bal des grandes puissances. Au début des années 60, en contrepoint de la Guerre d’Algérie, un formidable vent de démocratisation de la culture souffle sur la capitale : tous les monuments nationaux sont restaurés et ravalés, les maisons de la culture fleurissent un peu partout en France pour décentraliser la « Culture » dans les « déserts artistiques » de certaines zones de province. Malraux estime en effet que certaines œuvres d’art produisent chez le spectateur un choc émotionnel et intellectuel proche de la transcendance. Cette transcendance doit être rendue accessible au plus grand nombre.
« Je dis que c’est une aventure dans le domaine de l’esprit parce qu’il faut que l’on comprenne bien que le mot « loisirs » devrait disparaître de notre vocabulaire commun. Oui, il faut que les gens aient des loisirs. Oui, il faut les aider à avoir les meilleurs loisirs du monde. Mais si la culture existe, ce n’est pas du tout pour que les gens s’amusent. Ce qu’on appelle la culture, c’est l’ensemble des réponses mystérieuses que peut se faire un homme quand il regarde dans une glace ce que sera son visage de mort. En face de la mort, il n’y a que ce qui résiste à la mort, en face des puissances de la nuit il n’y a que l’immortalité. » André Malraux
Les zones d'ombre
Les historiens qui se sont penchés sur le cas Malraux soulignent la dimension fictionnelle, voire mythomaniaque de certains écrits et de certaines de ses déclarations. Personnage douteux dans sa jeunesse d'explorateur pillard en Asie du Sud-Est, fausses blessures pendant la Seconde Guerre mondiale, allongement du temps et embellissement des propos tenus par Mao Zedong lors de leur entretien en 1965...Le grand récit que l'écrivain fait de sa vie se heurte à plusieurs reprises à un examen des faits minutieux.
Il semble évident que Malraux sublimait un réel qui ne lui convenait pas ; il parlait de son existence privée comme de son "misérable petit tas de secrets." Héritier des écrivains romantiques comme Lamartine, Hugo, etc., Malraux a fait de sa vie une œuvre romanesque, où fiction et réalité se brouillent parfois. Ne pourrait-on pas s'accorder sur le fait que, si notre ère post-moderne est devenue parfois bien laide, c'est qu'elle ne fait plus récit ?
Il semble évident que Malraux sublimait un réel qui ne lui convenait pas ; il parlait de son existence privée comme de son "misérable petit tas de secrets." Héritier des écrivains romantiques comme Lamartine, Hugo, etc., Malraux a fait de sa vie une œuvre romanesque, où fiction et réalité se brouillent parfois. Ne pourrait-on pas s'accorder sur le fait que, si notre ère post-moderne est devenue parfois bien laide, c'est qu'elle ne fait plus récit ?