Le Podcast Edito : les Eglises d’Orient préfèreraient-elles César à Dieu ?


Par Jean-Luc Vannier Rédigé le 25/09/2011 (dernière modification le 25/09/2011)

Affligeantes déclarations du Chef de l’Église maronite libanaise en faveur du président syrien, refus égoïste de l’Église grecque orthodoxe de payer une taxe supplémentaire immobilière votée par le Gouvernement grec, deux Églises d’Orient posent à nouveau, à un moment crucial de l’histoire du pays où elles sont chacune puissamment implantées, la question d’une séparation entre le temporel et le spirituel.


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« Rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu » (Luc, 20.25). A quelques semaines d’intervalle, sans lien apparent entre les deux événements, l’Église maronite libanaise et l’Église grecque orthodoxe créent la polémique sur la nature de leurs liens avec l’autorité politique.

Au Liban, en premier lieu, le nouveau Patriarche de la communauté maronite a provoqué un tollé, tant au sein des chrétiens du Liban et de Syrie qu’à Paris, pour ses propos favorables au régime syrien et aux armes du Hezbollah. Lors de son déplacement officiel en France, le haut dignitaire de Bkerké, a ainsi fait part de son « inquiétude » pour l’avenir des minorités en « cas de chute du régime syrien », un régime qui, selon lui, « rassure et protège les chrétiens ». Collant à la doctrine de l’actuel gouvernement libanais dominé par le Hezbollah et les partisans de la Syrie, Sa Béatitude a notamment déclaré qu’il « aurait aimé qu’on donne plus de chances à M. Assad pour faire les réformes politiques qu’il a commencées en Syrie », faisant preuve d’une déconcertante mansuétude à l’égard de celui qu'il a qualifié de « pauvre » et peu à même « de faire des miracles ». Mgr Raï a, par ailleurs, justifié l’arsenal de la milice chiite pro-iranienne en admettant que « le Hezbollah devra rendre ses armes après le retour des Palestiniens à leurs foyers et la libération de la terre ». C’est à dire probablement jamais. Mais le pire restait à venir : à la « surprise » et à la « déception » manifestées par les autorités françaises, le chef de l’Église maronite au Liban a répondu que ses réflexions étaient « coordonnées avec le Vatican ». Autant dire que Rome, dans une vision pour le moins étriquée de l’histoire, préfère la barbarie syrienne aux risques susceptibles d’être encourus par la communauté chrétienne quitte à faire de celle-ci la complice d'une dictature. Charité bien ordonnée, il est vrai, commence par soi-même, le fût-elle aux dépens de la liberté.

Attachement critiquable aux biens séculiers

L’autre exemple rend tout aussi perplexe : selon Le Monde, « l’Église et les monastères grecs ne paieront pas la très impopulaire taxe immobilière » pourtant décidée par le Gouvernement d’Athènes afin de faire face aux échéances de la dette et répondre aux exigences des bailleurs de fond européens. Deuxième propriétaire foncier du pays, avec, selon une indiscrétion du quotidien Kathimérini, un bénéfice de 7 millions d’euros pour des revenus de 20 millions en 2008 et une fortune estimée entre 700 millions à plus d’un milliard, l’Église orthodoxe reste « une église nationale » pour un professeur de sociologie religieuse de l’Université de Rhodes interrogé par le quotidien : « cela signifie qu’il y a une connexion politique entre l’Église et l’État qui lui a donné ses privilèges ». Une confusion entre fidèle et citoyen d’autant plus regrettable qu’elle s’arrête au seuil de la solidarité humaine lorsqu’il s’agit de défendre un attachement aux biens séculiers.

Au point qu’une campagne « Taxez l’Église » se prépare, avec une manifestation prévue la semaine prochaine à Athènes et Salonique, destinée à dénoncer l’opacité de ses richesses. Et pourtant, « Jésus et Pierre payèrent l’impôt » (Mt 17.24).





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