L’intervention militaire en Libye profitera-t-elle politiquement à Nicolas Sarkozy ? En ces temps d’impopularité due à la situation intérieure, le joker international pourrait se révéler payant avant la fin de partie prévue en 2012. Au point de bloquer des vocations présidentielles qui commençaient à s’exprimer au sein même de l’UMP : 50% et 48% des Français interrogés par BVA pour le Nouvel Observateur créditent respectivement la candidature de François Fillon et celle d’Alain Juppé pour ces prochaines échéances. Il suffisait de regarder, jeudi soir lors de son passage au journal télévisé, le visage radieux du premier Ministre : il dissimulait mal sa jubilation à la vue d’enquêtes qui le posaient en ultime recours pour la droite. Tandis que François Fillon savourait son interview sur France 2, Alain Juppé expliquait non sans plaisir sur TF1, les raisons de son déplacement au Conseil de sécurité de l’ONU. Exit pour le moment les compétiteurs : la crise libyenne offre à Nicolas Sarkozy un répit salutaire. Contrairement à l’Afghanistan où Paris a déployé des troupes au sol pour un combat aux finalités parfois discutées, le spectaculaire engagement aérien français dans un pays du pourtour méditerranéen -moyennant probablement quelques discrets commandos au sol chargés de guider des tirs- devrait logiquement provoquer un effet rassembleur et à même d’interdire, au moins pendant cette période initiale, toute polémique avec le chef de l’Etat: ce consensus instaure, en quelque sorte, une « no-fly zone » politicienne au-dessus de l’Elysée.
Quid des manifestants violemment réprimés en Syrie?
Galvanisé sur le fond du dossier libyen, Nicolas Sarkozy a néanmoins trébuché sur la forme : à la veille d’un Conseil européen des chefs d’Etats et de Gouvernement censé définir la position commune de l’Europe, l’Elysée a pris de court ses partenaires en annonçant unilatéralement la reconnaissance par la France du Conseil National de Transition, incarnant l’opposition libyenne. A cette occasion, Nicolas Sarkozy a également court-circuité son Ministre des affaires étrangères. On regrettera enfin, malgré son caractère peut-être décisif, une impulsion donnée par un philosophe plus à l’aise sur les plateaux de télévision que dans les états-majors en charge de planifier de délicates opérations. Le Président de la République a semble-t-il, tiré cette fois-ci les leçons de son vrai-faux succès diplomatique en août 2008 lorsqu’il négocia en solo les termes d’un cessez-le-feu entre la Géorgie et la Russie. Cessez-le feu imprécis et rédigé dans la précipitation, ce dont le Kremlin sut tirer profit. « Action collective, contributions différenciées », précise le communiqué final de la réunion de Paris. Seule interrogation: qui commande vraiment cette opération? La chaîne Aljazeera fait état d'une concurrence entre Américains et Français sur ce point.
Reste que la volonté présidentielle affichée de contrer « la folie meurtrière d’un régime qui assassine son peuple », selon les paroles solennelles du chef de l’Etat à l’issue de la réunion de Paris, pourrait créer un précédent embarrassant : quid demain des sanglantes répressions en Syrie -ou dans d’autres pays- de manifestants eux aussi « en danger de mort » ? « Décidée à assumer son rôle, son rôle devant l’Histoire », a déclaré Nicolas Sarkozy, la France qui revendique cette « conscience universelle qui ne peut tolérer de tels crimes », sera-t-elle encore au rendez-vous ?
Reste que la volonté présidentielle affichée de contrer « la folie meurtrière d’un régime qui assassine son peuple », selon les paroles solennelles du chef de l’Etat à l’issue de la réunion de Paris, pourrait créer un précédent embarrassant : quid demain des sanglantes répressions en Syrie -ou dans d’autres pays- de manifestants eux aussi « en danger de mort » ? « Décidée à assumer son rôle, son rôle devant l’Histoire », a déclaré Nicolas Sarkozy, la France qui revendique cette « conscience universelle qui ne peut tolérer de tels crimes », sera-t-elle encore au rendez-vous ?