Le Podcast Edito Hassan Nasrallah a raison : souhaitons un scénario tunisien au Liban !


Par Jean-Luc Vannier Rédigé le 23/01/2011 (dernière modification le 23/01/2011)

Alors que les discussions d’Istanbul entre l’Iran et les puissances occidentales ont -sans surprise- échoué, la scène libanaise s’enfonce dans la crise politique avec le ralliement, non dénué d’ambivalence, de Walid Jumblatt à l’opposition pro-syrienne conduite par le Hezbollah. Engagé dans une course de vitesse avec le Tribunal Spécial pour le Liban afin d’empêcher son éventuelle inculpation et celle, tout aussi probable de ses deux mentors, Téhéran et Damas, le Parti de Dieu n’hésite pas à montrer ponctuellement sa force tout en retardant manifestement le moment d’une confrontation violente -il en a pourtant les moyens matériels- mais celle-ci signerait sa mort politique définitive.


C’est contraint et forcé, « la peur pour la survie de sa communauté » avait-il expliqué à l’auteur de cet édito après les événements de mai 2008, que le leader druze Walid Jumblatt a annoncé vendredi dernier son « soutien » au forces pro-syriennes du 8 mars dans les négociations pour désigner un nouveau premier Ministre au Liban. Au risque de faire basculer la majorité parlementaire dans le camp des partisans de Damas. Encore faut-il que les dix députés de son bloc le suivent à l’unisson. Quant aux Druzes, leur fierté légendaire leur interdit d’oublier leur mobilisation nocturne dans les environs d’Aley, la veille même du discours de leur chef, afin de contrer le déploiement de miliciens armés du Hezbollah à partir de Qomatiyeh : enclave chiite de cette région où les Druzes tuèrent d’ailleurs le premier combattant de la milice pro-iranienne lors de la bataille de Choueifat en mai 2008. Période où le Parti de Dieu tenta déjà de s’imposer par des opérations militaires. Ce qu’il n’a pas réussi lors des élections législatives de juin 2009, le Hezbollah pourrait néanmoins y parvenir par la menace des armes : de petits groupes d’activistes ont effectué en début de semaine une répétition générale en occupant les carrefours stratégiques de Beyrouth. Ses militants font provision de vieux pneus dans les décharges pour bloquer les axes routiers lorsqu’ils le décideront, et ce, malgré un arsenal imposant. On voit bien les difficultés du Parti de Dieu : stratégie minutieusement graduée de confrontation qui vise à créer un vacuum institutionnel tout en retardant le moment inéluctable de l’emploi effectif des armes (voir notre article). Celui-ci signerait dans le sang sa double culpabilité.

Comble de l’ironie, dans son dernier discours -il en fait pratiquement un par semaine-, le Secrétaire général du Hezbollah profère des menaces en s’efforçant de récupérer le soulèvement démocratique tunisien. S’il n’était à même de tirer un bénéfice supplémentaire du chaos, on aimerait prendre Hassan Nasrallah au mot : spontanément descendus dans la rue après l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005 et ce, jusqu’au départ des Syriens, les Libanais -et Libanaises- épris de liberté ne cautionneraient sans doute pas plus aujourd’hui qu’hier une tutelle syrienne et la mainmise du Hezbollah sur leur pays!

La peur s'installe déjà

Dans ces moments incertains, le pays du Cèdre renoue malheureusement avec ses vieux démons : convoqué dans la capitale syrienne, le général Jean Kahwagi, chef des forces armées libanaises, s’est vu « recommander » de maintenir la troupe en dehors d’un éventuel conflit intérieur. Le Ministre saoudien des affaires étrangères évoque le danger d’une « partition du Liban » et ses services consulaires appellent leurs ressortissants au pays du Cèdre à la vigilance. Un député de Zahlé, susceptible d’entraîner la majorité parlementaire d’un côté ou de l’autre, fait quant à lui monter les enchères personnelles entre la nouvelle Ambassadrice américaine à Beyrouth et les promesses ministérielles de l’opposition. Des grenades blessent à Tripoli des proches de l’ancien premier Ministre Omar Karamé, favorable à Damas et pressenti pour succéder à Saad Hariri. Alors qu’ils devaient se réunir au « Sofitel Le Gabriel » en plein cœur du quartier chrétien d’Achrafiyé, les dirigeants du 14 mars ont vu samedi après-midi leur accès à l’établissement refusé par « précaution eu égard à la situation politique », selon un manager de l’hôtel : avec ou sans pression de la Sûreté générale dirigée par un proche du Hezbollah, la peur s’installe déjà. Pendant ce temps, le Tribunal Spécial pour le Liban accélère la procédure en prévoyant d’évoquer le 7 février prochain la notion juridique « d’acte terroriste », un des chefs d’inculpation possible.

Dans l’attente des prochaines consultations de lundi à même, dans l’intérêt paradoxal de tous les protagonistes, de ne pas aboutir, les puissances occidentales avancent en ordre dispersé. Après avoir œuvré, non sans une déconcertante naïveté, à réintroduire la Syrie dans le jeu régional et libanais, Paris hausse désormais le ton envers Damas. Et court après Riyad. En vain. Les Etats-Unis mis à part, il est vrai que les dirigeants français, pétris d’une démocratie le plus souvent idéelle, ne sont pas encore remis de la révolte populaire tunisienne. Et de son éventuelle propagation au-delà. Alors, le Liban…





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