Des chiffres et un paradoxe. Les premiers sont accablants, le second est symptomatique. Selon plusieurs enquêtes réalisées sur le terrain, dont celle de l’Espad en 2011 - trente-six pays passés au crible par le Conseil suédois pour l'information sur l'alcool et les autres drogues -, les adolescents français affichent des records de consommation de cannabis. L’expérimentation du cannabis est en hausse de 25 %, le nombre de jeunes ayant consommé au moins une fois le produit passant de 31 % à 39 % en quatre ans. L'augmentation est même de 60 % pour la consommation au moins une fois par mois. En clair, les jeunes français dont plus d’un sur deux fumait déjà cette substance psycho-active depuis 2003, sont devenus les premiers usagers récents du cannabis en Europe.
Le paradoxe maintenant: la France possède l’une des législations les plus répressives en la matière. La loi du 31 décembre 1970 "relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l'usage illicite de substances vénéneuses" prévoit des peines maximales d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende pour tout usage de produits stupéfiants. Sauf à se réfugier dans le confortable déni du "politiquement correct" - 65% des Français sont opposés à une dépénalisation du cannabis, une large majorité d’entre eux (72%) se déclarant même contre la légalisation de cette substance -, le débat sur dépénalisation ou la légalisation lancé par Vincent Peillon, le ministre de l’Éducation nationale, et immédiatement clos par le premier ministre, ne répond plus aux exigences d’explication du phénomène.
Pour le comprendre et proposer une réaction adéquate, il conviendrait d’entendre ce que les jeunes consommateurs nous disent à ce sujet. Ou plutôt ce "non sujet" tellement cette drogue est devenue pour eux la "norme", celle d’une "pratique aussi usuelle, festive et sociale que l’absorption d’alcool dans un repas dominical". Moyen de repousser auparavant le réel de la vie adulte perçu par eux comme "intrusif" et "angoissant", le cannabis vise désormais selon les ados "l’insertion dans le groupe social" et "l’appartenance identitaire".
Le paradoxe maintenant: la France possède l’une des législations les plus répressives en la matière. La loi du 31 décembre 1970 "relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l'usage illicite de substances vénéneuses" prévoit des peines maximales d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende pour tout usage de produits stupéfiants. Sauf à se réfugier dans le confortable déni du "politiquement correct" - 65% des Français sont opposés à une dépénalisation du cannabis, une large majorité d’entre eux (72%) se déclarant même contre la légalisation de cette substance -, le débat sur dépénalisation ou la légalisation lancé par Vincent Peillon, le ministre de l’Éducation nationale, et immédiatement clos par le premier ministre, ne répond plus aux exigences d’explication du phénomène.
Pour le comprendre et proposer une réaction adéquate, il conviendrait d’entendre ce que les jeunes consommateurs nous disent à ce sujet. Ou plutôt ce "non sujet" tellement cette drogue est devenue pour eux la "norme", celle d’une "pratique aussi usuelle, festive et sociale que l’absorption d’alcool dans un repas dominical". Moyen de repousser auparavant le réel de la vie adulte perçu par eux comme "intrusif" et "angoissant", le cannabis vise désormais selon les ados "l’insertion dans le groupe social" et "l’appartenance identitaire".
Binge drinking ou cuite expresse
Une mutation de la signifiance initiatique dans un environnement addictogène, hyper-consumériste, ponctué par un souci d’immédiateté -la mort demain?- et par la capacité illusoire et magique d’un changement de statut personnel aussi prompt et décisif qu’une touche reset du clavier d’ordinateur: en témoigne le binge drinking - la cuite expresse - afin ne pas "perdre de temps" pour atteindre l’ébriété et la désinhibition avec les partenaires dans une soirée.
Les données chiffrées sur l’alcool et le tabac vont d’ailleurs dans le même sens. Pour la boisson, la France fait retour parmi les dix premiers pays de l’enquête: 67 % des jeunes de 16 ans ont consommé de l'alcool dans le mois et 41 % déclarent "avoir été ivres au moins une fois dans l'année". Tendance identique pour le tabac: prise de la première cigarette, porte d’entrée dans la poly-consommation ultérieure d’autres substances psycho-actives, dans une moyenne d’âge de dix ans et demi. La France arrive désormais au 6e rang, rejoignant le camp des pays où les jeunes sont fortement consommateurs de tabac. In fine, trois dépendances que, dans une lettre du 22 décembre 1897 à Fliess, Sigmund Freud, fumeur invétéré de cigares, rangeait dans le même sac: un substitut du "besoin primitif".
"On vend du plaisir", se vantait récemment sur France Infos un producteur de grand cru bordelais pour se différencier des autres types de commerce. A entendre les jeunes, le marketing du cannabis ne dit pas autre chose. Une hypocrisie éclairée par Freud rappelant dans son étude sur le "rabaissement généralisé de la vie amoureuse", l’introduction "de tout temps" par les humains de difficultés conventionnelles supplémentaires pour jouir là où les résistances habituelles à la satisfaction ne suffisent plus.
Les données chiffrées sur l’alcool et le tabac vont d’ailleurs dans le même sens. Pour la boisson, la France fait retour parmi les dix premiers pays de l’enquête: 67 % des jeunes de 16 ans ont consommé de l'alcool dans le mois et 41 % déclarent "avoir été ivres au moins une fois dans l'année". Tendance identique pour le tabac: prise de la première cigarette, porte d’entrée dans la poly-consommation ultérieure d’autres substances psycho-actives, dans une moyenne d’âge de dix ans et demi. La France arrive désormais au 6e rang, rejoignant le camp des pays où les jeunes sont fortement consommateurs de tabac. In fine, trois dépendances que, dans une lettre du 22 décembre 1897 à Fliess, Sigmund Freud, fumeur invétéré de cigares, rangeait dans le même sac: un substitut du "besoin primitif".
"On vend du plaisir", se vantait récemment sur France Infos un producteur de grand cru bordelais pour se différencier des autres types de commerce. A entendre les jeunes, le marketing du cannabis ne dit pas autre chose. Une hypocrisie éclairée par Freud rappelant dans son étude sur le "rabaissement généralisé de la vie amoureuse", l’introduction "de tout temps" par les humains de difficultés conventionnelles supplémentaires pour jouir là où les résistances habituelles à la satisfaction ne suffisent plus.