Le Podcast Edito – Barack Obama et les dangereuses ambiguïtés du pouvoir


Par Jean-Luc Vannier Rédigé le 01/09/2013 (dernière modification le 01/09/2013)

Outre le fait qu’elle confirme ses réticences sur d’éventuelles frappes en Syrie, l’intervention solennelle de Barack Obama annonçant la consultation du Congrès américain, signe une attitude ambiguë -et aux graves conséquences- de l’actuel locataire de la Maison Blanche sur l’utilisation de la force. Une ambiguïté d’autant plus dangereuse qu’elle ne se manifeste qu’à la lumière des opinions publiques.


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Lors de la signature, le 18 juin 1979 à Vienne, des accords SALT II de limitation des armes stratégiques entre Léonid Brejnev et Jimmy Carter, l’on rapporte que le leader soviétique aurait ironiquement souhaité à son homologue américain "bonne chance pour la ratification au Congrès". Invasion soviétique de l’Afghanistan oblige, ce dernier jamais ne le ratifia. A écouter, samedi, l’intervention solennelle de Barack Obama, un doute surgit: le président américain ne serait-il pas le premier dans l’histoire des États-Unis à souhaiter que le Congrès lui refuse l’autorisation de frappes militaires qu’il prétend lui réclamer?

Ôtons tout angélisme à cette déclaration en termes d’exigences démocratiques et soucieuses de la "consultation du peuple" au travers de ses "représentants". L’utilisation sans précédent de drones dans des opérations secrètes et létales, le scandale des écoutes de la NSA, pour ne citer que ces deux exemples, ne militent pas pour un état d’âme idéaliste: la Maison Blanche ne veut pas de cette intervention militaire en Syrie et elle fait tout, malgré les apparences d’un discours outragé, pour y parvenir. On voit mal un Congrès majoritairement républicain, parfois haineux à l’égard du président démocrate, lui donner satisfaction. Sauf à jouer du ressort patriotique. Plusieurs conséquences.

Rebuffade à la souveraineté française

Bachar El-Assad, dont les États-Unis approuvent ainsi bruyamment le maintien, se trouve conforté dans sa stratégie d’extermination de ses opposants. Dramatiques perspectives pour la région toute entière. Et lorsque viendra le temps -inévitable- de la confrontation avec l’Iran. Quant aux pays arabes traditionnellement alliés de Washington, ils n’ont plus qu’à recourir aux anxiolytiques à haute dose pour se réconforter de ce pur "lâchage".

Après le refus du Parlement britannique de laisser David Cameron engager la Grande-Bretagne dans cette opération, cette étrange pirouette américaine place la France dans la plus inconfortable des positions. Quid de l’engagement et du volontarisme de Paris si, le 9 septembre prochain, le Congrès américain balaye d’un vote la perspective d’une frappe militaire? Il faudra bien des trésors de communication pour faire digérer cette rebuffade à la souveraineté française. Finalement, la question doit être posée: Barack Obama aurait-il une difficulté psychologique pour assumer l’emploi de la force lorsque celle-ci devient visible des opinions publiques?





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