Le Bénin améliore progressivement sa carte judiciaire


Par Gervais Loko Rédigé le 20/08/2010 (dernière modification le 20/08/2010)

Avec trois cours d'appel (CA), huit tribunaux de première instance (TPI) et 80 tribunaux de conciliation (TC), les Béninois doivent parcourir en moyenne 200 km pour accéder à un TPI et environ 300 km pour une CA. Deux projets actuels soutenus par les Etats-Unis et l’Union européenne peuvent contribuer à renverser cette tendance et rapprocher enfin le justiciable de la maison justice.


Grégoire Akoffodji, ministre béninois de la Justice. (Crédits Photo: Polycarpe TOVIHO)
Les 10 et 12 août, le chef de l’Etat béninois en personne a officiellement inauguré deux cours d’appel, une à Cotonou et une autre à 450 km au nord du pays, à Parakou. Il s’agit en fait de deux nouveaux bâtiments plus modernes et bien équipés offerts aux juridictions d’appel des deux villes. C’est dans le cadre du projet d'appui à la réforme de la justice mis en œuvre sur le 9e Fonds européen de développement (FED). En dehors de la construction des deux cours d’appel qui viennent d’être inaugurées, le projet de l’Union européenne envisage la construction de deux nouveaux TPI, la réhabilitation et l'équipement en mobilier et matériel informatique des TPI existants, la réorganisation interne des juridictions basées sur l'informatisation de la chaîne pénale et civile et la formation continue et initiale des greffiers. Le projet prend fin en décembre prochain. Et l’UE n’exclut pas un appui budgétaire additionnel pour consolider les acquis de ce projet et renforcer la réforme de la justice.
Les Américains soutiennent également le Bénin dans ses efforts d’améliorer les performances du système judiciaire. Le programme Millennium Challenge Account (MCA), à travers sa composante «Accès à la justice» vise à accroître la confiance dans la capacité du système judiciaire à assurer l’application des lois et l’exécution des engagements contractuels.
D’un coût global de 34,270 millions de dollars US (17,65 milliards de francs CFA), le projet va déboucher sur la construction d’une cour d’appel à Abomey, centre du pays et de 8 tribunaux de première instance. Il prend surtout en compte le renforcement des moyens et capacités de l'Inspection Générale des Services Judiciaires. Ce service est chargé entre autres, de vérifier et de contrôler, par des inspections régulières, le bon fonctionnement des Cours d'appel et des Tribunaux de première instance, de proposer toutes mesures susceptibles d'accroître le rendement et l'efficacité du service public de la justice. A cet effet, l'Inspection Générale des Services Judiciaires dispose depuis trois ans d’un plan d’affaires à l’horizon 2016 pour mieux jouer son rôle.
Des locaux et des équipements bureautiques et informatiques ont été également mis à la disposition du Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation (CAMEC) sis à la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin.

Longue attente pour les justiciables

Malgré l’appui des partenaires européen et américain, le Bénin n’atteindra pas les 28 TPI prévus par la Loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant sur l'organisation judiciaire au Bénin. Aujourd’hui, l’autre défi à relever concerne les personnels. Malgré un effort de recrutement ces dernières années, les effectifs sont toujours insuffisants et mal répartis. Conséquence : une augmentation considérable des ratios de justiciables par magistrat, de dossiers à traiter par an par magistrat, et de dossiers en attente. Le nombre de jugements rendus par an est largement inférieur à celui des dossiers «entrants», ce qui entraîne une attente très longue des justiciables. Comme en témoigne le niveau d’engorgement des prisons. 75% des personnes incarcérées sont en détention préventive, dont la durée peut dépasser la peine prévue pour l’infraction commise.
La lenteur judiciaire, l’obsolescence des textes juridiques, l’incertitude de la jurisprudence ainsi que la corruption réelle ou supposée qui sévit dans le secteur ont fini par éroder la confiance que le citoyen devrait avoir dans le système judiciaire du Bénin. Selon une enquête sur la corruption et la gouvernance au Bénin en 2006, les sondés trouvent que la longueur des procédures (81%), leur complexité (76%), les frais des avocats très élevés (73%), l’influence de la corruption sur les décisions du tribunal (71%) et le coût non officiel trop élevé (66%) sont les obstacles majeurs au recours aux tribunaux.





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