Jacques Lacan, le retour. C’est devant une salle comble et impatiente que le représentant des "lacaniens niçois", le psychanalyste Philippe de Georges, a introduit auprès d’un "public éclairé" selon l’acception lacanienne, le conférencier Jacques-Alain Miller dont il suit depuis de nombreuses années dans la capitale les enseignements analytiques. Tout en rappelant que la transcription des séminaires de Lacan était en excellente voie, moyen de rassurer ceux qui s’inquiètent de la lenteur de leur publication dont Jacques-Alain Miller a la charge testamentaire, Philippe de Georges a insisté sur la dimension humaine du dernier ouvrage de son invité consacré à "l’homme Lacan", "loin de toute hagiographie freudienne". Ce qui n’empêcha nullement Lacan lui-même, raconte avec amusement Jacques-Alain Miller en prenant à son tour la parole, de l’assimiler un jour ironiquement à "saint-Paul", voué à répandre une nouvelle "révélation".
En 1974, souligne celui qui est devenu le fondateur de l’Association Mondiale de Psychanalyse, Jacques Lacan avait débuté son intervention au CUM (voir aussi l'article précédent en cliquant ici en commentant lui aussi son dernier livre "Le Phénomène lacanien". Et en menant une réflexion "comparant l’analyse et l’initiation". Malgré quelques "traits en commun" dans les deux pratiques, notamment dans la valeur transformatrice inhérente au vécu de cette expérience, Lacan avait pour "ambition d’arracher la psychanalyse à l’initiation". Il est parvenu par surcroît à achever un processus que Freud avait seulement réussi à engager: associer la psychanalyse à la science.
Après quelques réflexions éparses, l’essentiel de l’intervention de Jacques-Alain Miller a porté sur les dernières années de la vie de Jacques Lacan: une subtile déconstruction quasi derridienne du mythe Lacan ponctuée d’anecdotes privées dont J-A Miller fut le témoin direct et destinée à humaniser un personnage souvent statufié. L’annonce en 1977 du titre de son séminaire, "Le moment de conclure", avait pu faire penser que Lacan sentait sa fin prochaine. D’où la surprise, un an plus tard, d’un autre séminaire démontrant le tempérament résolument combattif de l’inventeur du "stade du miroir". Un tempérament énergique qu’illustrait, selon son gendre, le déroulement de ses séminaires: lorsqu’il expliquait un concept devant ses auditeurs, il semblait affronter des "cohortes d’opposants" avec des gestes ressemblant à des mouvements de sabre: finalement de simples phrases mais aussi tranchantes qu’une lame.
En 1974, souligne celui qui est devenu le fondateur de l’Association Mondiale de Psychanalyse, Jacques Lacan avait débuté son intervention au CUM (voir aussi l'article précédent en cliquant ici en commentant lui aussi son dernier livre "Le Phénomène lacanien". Et en menant une réflexion "comparant l’analyse et l’initiation". Malgré quelques "traits en commun" dans les deux pratiques, notamment dans la valeur transformatrice inhérente au vécu de cette expérience, Lacan avait pour "ambition d’arracher la psychanalyse à l’initiation". Il est parvenu par surcroît à achever un processus que Freud avait seulement réussi à engager: associer la psychanalyse à la science.
Après quelques réflexions éparses, l’essentiel de l’intervention de Jacques-Alain Miller a porté sur les dernières années de la vie de Jacques Lacan: une subtile déconstruction quasi derridienne du mythe Lacan ponctuée d’anecdotes privées dont J-A Miller fut le témoin direct et destinée à humaniser un personnage souvent statufié. L’annonce en 1977 du titre de son séminaire, "Le moment de conclure", avait pu faire penser que Lacan sentait sa fin prochaine. D’où la surprise, un an plus tard, d’un autre séminaire démontrant le tempérament résolument combattif de l’inventeur du "stade du miroir". Un tempérament énergique qu’illustrait, selon son gendre, le déroulement de ses séminaires: lorsqu’il expliquait un concept devant ses auditeurs, il semblait affronter des "cohortes d’opposants" avec des gestes ressemblant à des mouvements de sabre: finalement de simples phrases mais aussi tranchantes qu’une lame.
Echec des noeuds borroméens
La pulsion freudienne de mort, c’est pour Lacan le concept de "déchet": "ce à quoi aspire chacun", précise son gendre. Un statut à la fois "natal et final du sujet", du début et de la fin de son existence même si, ajoute l’orateur, dans le premier cas le "déchet est masqué par l’objet précieux de l’Agalma". S’il ne craignait pas la mort, Lacan, deux ans avant celle-ci, a connu "une acuité de mauvaise humeur". Certes, une mauvaise humeur dont il était coutumier mais qu’il convient de percevoir comme une sorte de "dignité devant l’impatience récurrente" de celui qui tenait n’importe quel obstacle ou contrariété comme un ralentissement pénible dans sa progression intellectuelle. Avec l’avancée de sa maladie, Lacan devenait plus silencieux dans ses séminaires. Fait auquel tous ses adeptes se sont habitués: "après tout, c’était Lacan!". Un "spectacle insoutenable pour moi", déclare néanmoins le conférencier, lequel a fini par "déserter" ses présentations publiques.
S’il s’attribue une forme de paternité pour certaines de ses figures géométriques en disant un jour à son beau-père "il faudrait peut-être vous y mettre", Jacques-Alain Miller a reconnu qu’avec les nœuds borroméens élaborés par l’ultime Lacan, "quelque chose s’était bloqué". Pas forcément un échec, peut-être un manque de temps. Un échec en tous cas à "réveiller les psychanalystes": ceux qui ne le suivaient pas tout comme ceux qui étaient ses partisans, ironise-t-il.
Par sa mélodie intelligente du dire malgré la lecture de ses feuillets, Jacques-Alain Miller a redonné vie à Lacan brisant, le temps d’une -trop brève- conférence, l’image souvent ancrée d’un chef dogmatique de clan ou celle d’un pourfendeur, non dénué d’excentricité, de l’orthodoxie freudienne. La "gravité sans tristesse" du public relevée par les organisateurs aura peut-être témoigné, trente années après sa disparition, si ce n’est de la "grande actualité" de l’œuvre du psychanalyste, au moins d’un intérêt marqué pour son concepteur humain.
S’il s’attribue une forme de paternité pour certaines de ses figures géométriques en disant un jour à son beau-père "il faudrait peut-être vous y mettre", Jacques-Alain Miller a reconnu qu’avec les nœuds borroméens élaborés par l’ultime Lacan, "quelque chose s’était bloqué". Pas forcément un échec, peut-être un manque de temps. Un échec en tous cas à "réveiller les psychanalystes": ceux qui ne le suivaient pas tout comme ceux qui étaient ses partisans, ironise-t-il.
Par sa mélodie intelligente du dire malgré la lecture de ses feuillets, Jacques-Alain Miller a redonné vie à Lacan brisant, le temps d’une -trop brève- conférence, l’image souvent ancrée d’un chef dogmatique de clan ou celle d’un pourfendeur, non dénué d’excentricité, de l’orthodoxie freudienne. La "gravité sans tristesse" du public relevée par les organisateurs aura peut-être témoigné, trente années après sa disparition, si ce n’est de la "grande actualité" de l’œuvre du psychanalyste, au moins d’un intérêt marqué pour son concepteur humain.