Connu principalement pour ses travaux sur la clinique des psychoses, le psychiatre et psychanalyste sicilien Gaetano Benedetti a étendu le fruit de ses observations et de ses expériences thérapeutiques à d’autres formes de souffrances, notamment celles portées par la névrose hystérique. Grâce à la traduction réalisée par Danielle et Patrick Faugeras, le public spécialisé tout comme le profane peuvent ainsi découvrir son dernier ouvrage, les "Séminaires cliniques sur l’hystérie", paru récemment dans la collection "La maison jaune" aux éditions Erès: de passionnantes réflexions menées par un groupe de thérapeutes sous sa supervision, et ce, à partir de multiples vignettes cliniques qui abordent les diverses conceptions théoriques et symptomatiques de l’hystérie féminine.
S’il étaye son approche sur les principes freudiens en partant, selon son interprétation, d’une "problématique pré-génitale", d’un "défaut d’identification avec la féminité de la mère" et de la "fixation à la figure du père", Gaetano Benedetti s’intéresse davantage à la "famille de l’hystérique" qu’il estime fondée sur "la manipulation et des jeux de pouvoirs", différents par nature de ceux susceptibles d’être notés au sein de la famille de l’obsessionnel. Ce qui conduit la psyché hystérique à être "victime de contradictions internes, doubles valeurs, doubles rôles" ainsi que du fait de pâtir "d’incertitudes dans l’évaluation de son partenaire masculin".
S’il étaye son approche sur les principes freudiens en partant, selon son interprétation, d’une "problématique pré-génitale", d’un "défaut d’identification avec la féminité de la mère" et de la "fixation à la figure du père", Gaetano Benedetti s’intéresse davantage à la "famille de l’hystérique" qu’il estime fondée sur "la manipulation et des jeux de pouvoirs", différents par nature de ceux susceptibles d’être notés au sein de la famille de l’obsessionnel. Ce qui conduit la psyché hystérique à être "victime de contradictions internes, doubles valeurs, doubles rôles" ainsi que du fait de pâtir "d’incertitudes dans l’évaluation de son partenaire masculin".
Luttes phalliques contre le père
En définissant ce qu’il nomme "une orientation narcissique de la personnalité… comme une défense à l’égard de l’objet", le spécialiste italien caractérise l’hystérie: en premier lieu, une "extrême pauvreté des rapports objectaux" et, ensuite, une scène hystérique servant de "tentative inconsciente d’engloutir l’objet". La patiente hystérique refuse, selon lui, son "identité féminine" et "engage une lutte phallique contre son père, puis contre l’homme en général et contre la réalité toute entière". Nous en connaissons, pour notre part, la paradigmatique illustration sur le divan: ainsi le cas de cette "Aphrodite" azuréenne, une de ces incandescentes beautés féminines, au point de se consumer d'elle-même, et dont toutes les femmes pourraient jalouser la plastique. Elle déroule une plainte lancinante sur sa "détestation d’être une femme", et sa souffrance ne rencontre la jouissance orgasmique qu’en "présence d’un miroir lui renvoyant son image lorsqu’elle fait l’amour avec son partenaire".
Au fil des commentaires avisés de Gaetano Benedetti, nous relevons toutefois des approches que nous estimons discutables du point de vue analytique. Il en va ainsi de la notion du "Soi", "infantile" ou "maternel", apparemment centrale pour celui qui est aussi professeur de psychothérapie et d’hygiène mentale à l’Université de Bâle: une "instance représentative" dont Freud nous invite à nous méfier à trop vouloir la "séparer du moi". La tension entre les deux pôles se situe aussi à l’intérieur du moi, rappelle le professeur Laplanche citant Freud dans "Das Ich und das Es": "le moi n’est pas seulement une surface mais une projection de surface" (Jean Laplanche, Le moi ou le soi in "Le primat de l’autre en psychanalyse", Champs Flammarion, 1997, pp. 131-133).
Au fil des commentaires avisés de Gaetano Benedetti, nous relevons toutefois des approches que nous estimons discutables du point de vue analytique. Il en va ainsi de la notion du "Soi", "infantile" ou "maternel", apparemment centrale pour celui qui est aussi professeur de psychothérapie et d’hygiène mentale à l’Université de Bâle: une "instance représentative" dont Freud nous invite à nous méfier à trop vouloir la "séparer du moi". La tension entre les deux pôles se situe aussi à l’intérieur du moi, rappelle le professeur Laplanche citant Freud dans "Das Ich und das Es": "le moi n’est pas seulement une surface mais une projection de surface" (Jean Laplanche, Le moi ou le soi in "Le primat de l’autre en psychanalyse", Champs Flammarion, 1997, pp. 131-133).
La désertification de la cure
Dans son chapitre V sur les possibles points de passage entre névrose et psychose hystériques, l’auteur évoque le cas d’une patiente qui "avait beaucoup de mal à se souvenir des détails d’une scène qui s’était déroulée quelques heures auparavant" ou "à se souvenir des contenus d’une séance d’analyse précédente", voire à "garder à l’esprit, ne serait-ce que quelques minutes, ce que je lui avais dit". Et le superviseur d’en tirer la nécessité "d’élargir le concept classique de refoulement". Puisqu’il s’agit pour le sujet hystérique de séparer l’objet -ou plutôt l'affect- de la dangereuse perception et encore plus dangereuse représentation, peut-être conviendrait-il de relier ces "ne pas vouloir" et "ne pas pouvoir", formules citées par les patients de Gaetano Benedetti, au fécond "travail du négatif" d’André Green sur "la désertification de la cure, expression des pulsions destructrices": situation où l’analysant(e) ne "comprend pas certaines interprétations de l’analyste ou même ne paraît pas reconnaître ses propres propos quand l’analyste les lui remet en mémoire" (André Green, "Le travail du négatif", Les éditions de minuit, 2011, pp. 242-250).
Dévalorisation ou agression du moi?
Un dernier point à relever: au sujet de la mélancolie, Gaetano Benedetti évoque une "identification du Moi avec le Surmoi", le premier tentant de réagir à cette "dévalorisation". La clinique ne nous présente-elle pas aussi dans ces cas-là un moi se pliant et se soumettant, non par identification mais par masochisme, aux accusations d’un surmoi tyrannique? Quant à l’idée de "dévalorisation" souvent rencontrée au fil des réflexions de Benedetti, son emploi suggère une tendance psychologisante qui risque d’abraser l’image d’une attaque pulsionnelle portant sur l’instance moïque. Et ce, alors que le fondateur de l’École de psychothérapie psychanalytique des psychoses admet bien dans la névrose hystérique l’existence d’une "composante agressive", absente dans son corollaire narcissique. Le doute sur l’éloignement de ses conceptualisations du noyau dur de la psychanalyse se renforce lorsque l’auteur mentionne "la grande synthèse à venir" des techniques analytiques ou le constat de ne pas être en mesure "d’utiliser un système déterminé d’opérations logiques" pour comprendre le symptôme schizophrénique. Faut-il le rappeler: en psychanalyse, synthèse et logique sont des abstractions totalement inopérantes.