La Turquie condamnée pour sa passivité face aux violences conjugales


Par Rédigé le 31/03/2016 (dernière modification le 30/03/2016)

Dans son arrêt M.G. c. Turquie du 22 mars 2016, la Cour européenne des droits de l’Homme a considéré que l’insuffisante protection d’une femme face à la violence domestique constituait une violation de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants, ainsi qu’une discrimination à l’égard des femmes.


La lenteur injustifiée des poursuites pénales

Illustration. Image du domaine public.

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En 2006, M.G., la requérante, a porté plainte contre son mari pour violences conjugales. Dès le lendemain, deux rapports d’expertise médicale ont corroboré ses propos en attestant de l’existence de symptômes desdites violences. Ce n’est cependant que cinq mois plus tard que son mari a été auditionné. Il a ensuite fallu attendre 2012, soit près de cinq ans et demi après le dépôt de la plainte, pour que celui-ci soit inculpé.

La Cour rappelle que les plaintes relevant de violences domestiques doivent, en raison de la vulnérabilité particulière des victimes, être traitées le plus rapidement possible. Elle souligne que cette exigence de célérité se retrouve également dans la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ou "Convention d’Istanbul".

Au vu des délais importants dont a été marquée la procédure pénale engagée par la requérante, les juges européens estiment dès lors que la Turquie a failli à son obligation de protéger cette dernière contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants. Ils concluent donc à l’unanimité à la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.


L’incertaine protection civile des femmes divorcées

En 2006, la requérante a, parallèlement à la procédure pénale, entamé des démarches auprès du tribunal de la famille pour obtenir le divorce et la mise en place de mesures de protection.

Cependant, la Cour relève qu’entre le prononcé du divorce, en 2007, et la révision du dispositif législatif en 2012, la possibilité pour M.G. de bénéficier de ces mesures de protection n’était pas garantie. En effet, l’applicabilité de ces mesures aux couples divorcés a pu faire l’objet d’interprétations divergentes de la part des instances nationales. La requérante a donc dû vivre dans la crainte des agissements de son ex-mari alors même qu’elle avait depuis longtemps saisi les autorités compétentes.

A cet égard, la Cour rappelle, comme elle l’avait déjà affirmé dans l’arrêt Opuz c.Turquie du 9 juin 2009, que la maltraitance psychologique constitue un aspect important de la violence conjugale.

Or, la Cour strasbourgeoise estime qu’un tel défaut de protection contre les violences domestiques équivaut à une violation du droit des femmes à une égale protection de la loi. Elle souligne également que, selon l’article 3 de la Convention d’Istanbul, les "violences à l’égard des femmes" constituent à la fois une violation des droits de l’Homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes. Elle conclut donc à l’unanimité à une violation de l’interdiction de discrimination, posée par l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Affaire M. G. c. Turquie (requête n°646/10) du 22 mars 2016






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