LA DEUXIEME MORT DE LUCHINO VISCONTI

Elle naît Giovanna Cecchi le 21 juillet 1914 dans une famille bourgeoise cultivée de la capitale italienne, fille d'Emilio Cecchi critique et écrivain et de Leonetta Pieraccini artiste peintre. Sa jeunesse fut baignée de culture anglaise et française, cette dernière acquise au lycée Chateaubriand de Rome. Son amour naissant pour le cinéma fut comblé au tout début des années 30, quand son père fut chargé quelque temps par le gouvernement de l'époque de s'occuper d'une société qui précéda la création de Cinecittà. Elle aborde vraiment le 7e art avec Mio figlio professore de Renato Castellani en 1946 et ne le quittera qu'en 2006 avec Le rose del deserto de Mario Monicelli. Elle avait épousé en 1938 le musicologue Fidele d'Amico, mort en 1990. Leurs trois enfants ont aussi fait une carrière cinématographique.

Avec plus de 110 films, elle a accompagné 60 ans de cinéma, et a bien mérité l'hommage de Giorgio Napolitano, président de la République, qui l'a qualifiée de "l’une des plus grandes protagonistes de la période la plus importante de l’histoire du cinéma italien". Quant à Claudia Cardinale qui l'a souvent côtoyée, elle revient sur ces années “durant lesquelles notre cinéma était le phare du cinéma mondial”. Suso Cecchi d'Amico a été maintes fois récompensée. En 1947, Vivre en paix de Luigi Zampa, fut primé à Locarno pour son scénario. En 1966, un Oscar lui est attribué dans la catégorie du meilleur scénario original pour "Casanova 70" de Mario Monicelli. En 1986, les prix David di Donatello, correspondant aux César, lui remirent le prix Luchino Visconti à l’occasion des dix ans de la disparition du réalisateur, mort le 17 mars 1976 à 69 ans. En1994, le Festival de Venise lui a décerné un Lion d’or pour l’ensemble de son oeuvre. En 2006, elle a reçu un prix spécial pour les 50 ans des Donatello.

Elle collabore avec les grands metteurs en scène de l'après-guerre. Cependant, sa rencontre en 1945 avec Luchino Visconti va donner un éclat particulier à sa carrière. Elle traduisait alors des pièces anglaises et lui était metteur en scène de théâtre. Ils n'aborderont vraiment le cinéma ensemble qu'en 1951 avec Bellissima, puis suivront Senso en 1954, Ls nuits blanches en 1957, Rocco et ses frères en 1960, Le 2e sketch, Le Travail, de Boccace 1970, film de trois réalisateurs en 1962, Le guépard en 1963, Sandra en 1965, L'Etranger en 1967, Ludwig, le Crépuscule des dieux en 1972, Violence et passion en 1974, L'innocent en 1976. Si ce dernier, inspiré d'un roman de Gabriele d'Annunzio ne connut pas le succès, Le Guépard et Ludwig figurent parmi les chefs-d'œuvre du cinéma. Leur seul échec fut A la Recherche du temps perdu. Prévue à partir de 1971, la réalisation ne put se faire, Visconti étant déjà malade. Il ne nous reste qu'à imaginer ce qu'aurait pu devenir l'œuvre de Proust avec entre autres Silvana Mangano, Alain Delon, Helmut Berger ou Marlon Brando qui avaient été prévus... On notera que le scénario des Damnés en 1969 ou celui de Mort à Venise en 1971 ne porte pas sa signature. Elle n'était pas à son aise dans l'univers germanique, elle a cependant écrit celui de Ludwig, le Crépuscule des dieux, troisième volet de cette tétralogie que souhaitait Visconti. Le quatrième en aurait été La montagne magique d'après le roman de Thomas Mann mais là encore la maladie l'en a empêché.

Avant ou pendant sa collaboration avec Visconti et surtout après la mort de ce dernier, elle écrivit des scénarios pour les plus grands noms du cinéma italien et aussi étranger. On relèvera au hasard Le voleur de bicyclette de Vittorio De Sica en 1948, Femmes entre elles de Michelangelo Antonioni en 1955, Le pigeon de Mario Monicelli en 1958, Salvatore Giuliano de Francesco Rosi en 1962, La mégère apprivoisée de Franco Zeffirelli en 1967, Casanova, un adolescent à Venise de luigi Comencini en 1969 ou bien encore Mon voyage en Italie de Martin Scorsese en 1999. Outre Visconti, c'est avec Luigi Comencini et Mario Monicelli qu'elle collabora le plus fréquemment.