Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes : Table ronde et prix Nobel



Le 2 novembre est l’édition 2021 de la journée internationale contre l’impunité pour les crimes contre les journalistes. L’occasion d'ouvrir le dialogue entre les procureurs et les journalistes sur les mesures de prévention et de protection visant à assurer la sécurité de ces derniers.


En décembre 2013, lors de sa 68e session, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution intitulée "La sécurité des journalistes et la question de l’impunité" (A/RES/68/163), qui a proclamé à la date du 2 novembre la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Cette résolution a exhorté les États membres à prendre des mesures précises pour combattre la pratique actuelle de l’impunité. La date de cette journée internationale a été choisie en mémoire de deux journalistes français, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés le 2 novembre 2013 au Mali.


Entre 2006 et 2020, plus de 1.200 journalistes ont été tués dans le monde, et près de neuf cas sur dix de ces assassinats ne sont  pas résolus judiciairement, selon l'Observatoire des journalistes tués de l'UNESCO. L'impunité mène à un plus grand nombre d'assassinats et représente souvent un symptôme d'aggravation des conflits et d'effondrement des systèmes de droit et de justice. L'UNESCO s’inquiète que l'impunité cause des dommages aux sociétés entières en dissimulant de graves violations des droits de l'homme, de la corruption et de la criminalité. Les gouvernements, la société civile, les médias et ceux qui se soucient du respect de l'Etat de droit sont invités à se joindre aux efforts globaux pour mettre fin à cette impunité. De ce fait, à peine 10% des crimes commis contre des professionnels des médias ont abouti à une condamnation de leurs auteurs. Cette quasi-impunité constitue un encouragement pour les criminels et les groupes armés qui se font régulièrement remarquer par leurs actions contre les journalistes. Selon les informations recueillies par la Plateforme du Conseil de l'Europe pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, les auteurs d'au moins 22 meurtres de journalistes en Europe échapperaient à toute poursuite judiciaire.

31 oct. à 17.08.mp3  (1.6 Mo)


Des améliorations comme perspective d’avenir

Cette résolution historique condamne toutes les attaques et violences perpétrées contre des journalistes et des travailleurs des médias. Elle exhorte également les États membres à faire tout leur possible pour prévenir cette violence, en faire rendre compte, traduire en justice les auteurs des crimes commis contre des journalistes et des travailleurs des médias, et veiller à ce que les victimes disposent de recours appropriés. Elle demande, en outre, aux États de promouvoir un environnement sûr et propice dans lequel les journalistes puissent effectuer leur travail de manière indépendante et sans ingérence indue.
La Fédération internationale des journalistes (FIJ) note pour l’édition 2020 avoir enregistré "de bonnes nouvelles et quelques cas historiques de meurtres de journalistes ont été résolus".
 
"Aux Philippines, justice a enfin été rendue avec la condamnation des responsables du massacre de Maguindanao. Le 23 novembre 2009, 32 journalistes avaient été tués dans l’attaque la plus meurtrière jamais perpétrée contre les médias. A Malte, des individus impliqués dans l’assassinat brutal de la journaliste Daphne Caruana Galizia ont été arrêtés, tandis que le commanditaire présumé du meurtre fait l’objet d’une procédure pénale. En Somalie, le procureur général a désigné un procureur spécial pour enquêter sur les meurtres de journalistes, une preuve manifeste de la volonté d’en finir avec l’impunité. En Colombie, la justice a condamné dans un verdict historique les responsables des menaces, du harcèlement et de la torture psychologique subis par la journaliste Claudia Julieta Duque et a obligé l’Etat colombien à lui verser une compensation. 

Le principal événement commémorant la Journée internationale en 2021 sera une table ronde de haut niveau organisée par Ossigeno per l'informazione et soutenue par l'UNESCO. L'événement se tiendra en format hybride le 3 novembre 2021 à l'Institut international de Syracuse pour la justice pénale et les droits de l'homme. De plus, elle offrira une plateforme de dialogue entre les procureurs et les journalistes sur les mesures de prévention et de protection visant à assurer la sécurité des journalistes, et mettra en évidence le rôle déterminant des services de poursuite dans les enquêtes et les poursuites, non seulement des meurtres, mais aussi des menaces de violence contre les journalistes.

C’est la première fois en 86 ans que le Prix de la paix est attribué à des journalistes. 
 

Le prix Nobel de la paix 2021 attribué aux journalistes Maria Ressa et Dimitri Muratov

L’Allemand Carl von Ossietzky l’avait reçu en 1935 pour avoir révélé le programme secret de réarmement de l’Allemagne après la guerre. La liberté de la presse, jamais sacrée donc, figurait parmi les favoris pour cette année mais les 329 candidatures en lice étaient tenues secrètes. Vendredi 8 octobre, deux journalistes ont donc été récompensés, la Philippine Maria Ressa et le Russe Dmitri Mouratov, pour "leur combat courageux pour la liberté d’expression" menacée par la répression, la censure, la propagande et la désinformation.


Les deux lauréats "sont les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables", a déclaré la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen, à Oslo.

Maria Ressa, 58 ans, déjà lauréate d'un autre prix de la liberté de la presse (celui de l'Unesco) a publié de très nombreuses enquêtes critiques sur les abus de pouvoir et l'autoritarisme du président philippin Rodrigo Duterte. Cible d'un harcèlement judiciaire selon Reporters sans frontières, elle a été condamnée à six ans de prison pour diffamation.


L'autre lauréat de ce prix Nobel de la paix 2021, le Russe Dimitry Muratov est rédacteur en chef du journal d'investigation "Novaïa Gazeta", extrêmement critique envers les dérives autoritaires du pouvoir en place et en particulier à propos des violences commises en Tchétchénie. Le Kremlin a immédiatement salué le "courage" et le "talent" de Dmitry Muratov. "Nous pouvons féliciter Dmitry Muratov. Il travaille en continu en suivant ses idéaux, en les conservant. Il est talentueux et courageux", a déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Dmitry Muratov dit avoir dédié cette récompense à Novaïa Gazeta, et à ses collaborateurs assassinés pour leur travail et leurs
enquêtes. Un Prix d’un montant de près d’un million d’euros, le journal de Dmitry Mouratov a précisé qu’une partie de la somme reçue pour le Prix Nobel de la Paix sera versée à un fonds caritatif aidant les enfants qui souffrent de maladies rares.


Berit Reiss-Andersen a déclaré que le comité Nobel désirait que ce prix envoie un message sur l’importance d’un journalisme rigoureux à une époque où la technologie permet plus facilement que jamais de répandre des mensonges. "Nous constatons que les gens sont manipulés par la presse, et… le journalisme basé sur les faits, et de haute qualité est en fait de plus en plus restreint", a-t-elle déclaré à Reuters.

"Sans la liberté d’expression et la liberté de la presse, il sera difficile de promouvoir avec succès la fraternité entre les nations, le désarmement et un meilleur ordre mondial à notre époque. L’attribution du Prix Nobel de la paix de cette année est donc fermement ancrée dans les dispositions du testament d’Alfred Nobel".

Le Prix Nobel de la paix sera remis le 10 décembre prochain, date de l’anniversaire de la mort de l’industriel suédois Alfred Nobel, qui a créé les prix dans son testament de 1895.

 







Autres articles dans la même rubrique ou dossier: