Il n’arrête pas de bouger, il est toujours dans la lune… Et si mon enfant présentait un trouble de l’attention ?


Par Le Podcast Journal Rédigé le 25/06/2021 (dernière modification le 14/06/2021)

Un article de Jean-François Wylock - Neuropsychologue, Université Libre de Bruxelles (ULB). Un article repris du site THE CONVERSATION



Un enfant qui bouge de façon excessive, ne parvient pas à attendre son tour, se montre impulsif ou est régulièrement « dans la lune » est souvent étiqueté comme « mal élevé ». Pourtant, l’origine de ces comportements peut être tout autre : il arrive qu’ils cachent en réalité un trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Loin d’être le fruit de notre société moderne, ce trouble a été décrit scientifiquement dès la fin du XVIIIᵉ siècle. Il est caractérisé par des symptômes d’agitation motrice, une impulsivité et des difficultés à maintenir son attention sur des périodes plus ou moins longues ou répétitives.

Poser un diagnostic adéquat sur ce trouble neurodéveloppemental permet non seulement aux parents de mieux en comprendre les symptômes, mais aussi de prendre du recul : ils peuvent ainsi déculpabiliser. C’est aussi un soulagement pour l’enfant, qui veut bien faire sans pour autant y parvenir, car cela permet de mettre un nom sur la difficulté qu’il rencontre régulièrement.

Comment se manifeste le TDAH ?

Le TDAH affecte approximativement 5 % des enfants d’âge scolaire et 4 % des adultes. Il ne peut être diagnostiqué avant l’âge de 6 ou 7 ans, bien que des symptômes puissent être observés avant cet âge. Le TDAH peut se manifester de différentes façons. On distingue les présentations inattentives prédominantes et les formes hyperactives impulsives prédominantes. Le plus souvent, c’est une forme mixte, associant à la fois des symptômes d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité, qui est observée.

La symptomatologie du TDAH est variable selon le genre et l’âge. Les filles avec TDAH présentent souvent davantage de symptômes d’inattention et moins d’agitation motrice que les garçons. Les symptômes d’hyperactivité-impulsivité diminuent régulièrement au fur et à mesure que l’enfant grandit. En revanche, les symptômes d’inattention tendent à persister. Il n’est pas rare que lorsqu’un enfant présente un TDAH, un des deux parents en présente un lui aussi, qui le plus souvent n’a pas été diagnostiqué dans l’enfance.

Pour que l’on considère qu’un enfant est atteint de ce trouble, les symptômes doivent être observés avant l’âge de 12 ans, depuis au moins 6 mois et se manifester dans différentes situations, avec pour conséquence potentielle d’entraver son fonctionnement scolaire, social ou familial.

Un diagnostic délicat

Face à un enfant qui apparaît débordant d’énergie ou qui est régulièrement dans la lune, il convient d’être prudent avant d’affirmer un quelconque diagnostic, lequel doit être réalisé par une équipe pluridisciplinaire.

Différents entretiens vont permettre au médecin (pédopsychiatre ou neuropédiatre par exemple) d’évaluer la présence et l’intensité des différents symptômes. Il va ensuite rechercher la présence de facteurs médicaux qui pourraient être responsables des symptômes, tels qu’une carence en fer ou une hypothyroïdie. Les parents et l’enseignant de l’enfant seront régulièrement conviés à remplir des questionnaires permettant de quantifier la présence des symptômes à la maison et à l’école.

Le TDAH est souvent associé à l’existence de difficultés scolaires ou motrices. C’est pourquoi au cours du processus diagnostique, le médecin peut proposer la réalisation d’évaluations neuropsychologique, logopédique (orthophonique) ou psychomotrice. À travers la passation de différentes épreuves, l’évaluation neuropsychologique permettra d’investiguer les compétences attentionnelles, exécutives, mnésiques et intellectuelles de l’enfant. Le profil cognitif ainsi établi, incluant les forces et les faiblesses de l’enfant, pourra permettre de dégager des pistes de prise en charge.

Par exemple, si l’enfant présente d’importantes difficultés au niveau des apprentissages verbaux ou a du mal à retenir les consignes, l’utilisation d’un support visuel tel qu’un schéma heuristique (« mind map ») ou des pictogrammes peut être bénéfique. Il est aussi possible d’apprendre à un enfant à construire lui-même le support visuel à partir duquel il effectuera ses apprentissages. Un élément crucial de la prise en charge est d’encourager l’enfant dans chaque réussite.

Les enfants avec un TDAH présentent régulièrement des difficultés spécifiques en lecture, en orthographe ou en mathématique qu’il convient de caractériser grâce à une évaluation logopédique. Des outils standardisés permettent de situer l’enfant dans son développement langagier (compréhension et expression orale) et ses apprentissages. Si les problèmes sont importants, un suivi logopédique peut être préconisé. Enfin, des difficultés au niveau de la motricité fine (graphisme) ou globale peuvent également être observées chez les enfants présentant un TDAH. Celles-ci sont mises en évidence en psychomotricité.

Bien que le TDAH s’observe rarement de façon isolée, tous les enfants ne présentent pas l’ensemble des difficultés associées : le profil de forces et de faiblesses de chacun est unique, ce qui a des implications sur la prise en charge.

Comment aider son enfant ?

Les difficultés associées au TDAH varient d’un enfant à l’autre, la prise en charge doit donc être spécifique. Selon la nature des symptômes, leur intensité, leurs répercussions, l’enfant devra bénéficier d’aides sur le plan logopédique ou encore en psychomotricité. Le médecin pourra aussi proposer la mise en place d’un traitement médical, tel qu’un psychostimulant (comme par exemple le méthylphénidate, un stimulant modéré du cerveau). Celui-ci va agir au niveau cérébral sur la transmission de différents neurotransmetteurs, telle que la dopamine. Un dosage adéquat permet d’accroître les ressources attentionnelles et réduire l’agitation motrice et l’impulsivité.

Un tel traitement médical a cependant une durée d’action limitée et ne doit pas être considéré comme une solution en soi. En effet, une fois stoppés, les symptômes peuvent à nouveau être observés. En outre, ledit traitement doit être conçu comme un outil thérapeutique s’insérant dans une prise en charge plus globale : pour certains enfants, il peut ne pas être adapté (ou s’avérer être en contradiction avec des valeurs familiales qu’il convient de respecter par exemple).

Un aspect crucial est à souligner : le TDAH peut engendrer une souffrance importante chez l’enfant et ses parents. Une aide sur le plan psychologique, individuelle ou familiale, ne doit pas être négligée. Les symptômes de TDAH peuvent être une source majeure de tension au sein de la famille, et les parents ont parfois besoin d’aide pour développer de nouvelles stratégies pour faire face aux symptômes d’agitation et d’impulsivité de leur enfant. Un suivi en psychoéducation peut dès lors être préconisé.

Et l’école dans tout cela ?

L’école est très souvent en demande d’aide face à un enfant qui présente un TDAH. Les enseignants éprouvent régulièrement des difficultés pour gérer une classe dans laquelle se trouve un enfant (voire parfois deux) présentant un TDAH. La médication peut permettre de réduire l’impact des symptômes à l’école, cependant elle peut ne pas être suffisante ou adaptée.

À nouveau, il n’existe pas de solution unique qui puisse convenir à chaque situation. Cependant, il est possible de formuler certaines recommandations. Il est avant tout crucial de maintenir une communication régulière, constructive et respectueuse entre l’enfant, les parents et l’enseignant. Il est important aussi de démystifier le trouble et ses conséquences.

Pour les symptômes d’agitation motrice, plusieurs aménagements scolaires peuvent être envisagés, tels que le fait de remplacer la chaise par un ballon ou prévoir un moment et un lieu dans lequel l’enfant pourra décharger son énergie. Il ne faut surtout pas priver l’enfant des moments de récréation qui lui permettent de se dépenser.

Concernant les difficultés attentionnelles, il est souvent préférable de réduire la quantité de travail et de viser la qualité. Lorsque des consignes sont données à l’enfant, celles-ci doivent formulées de façon claire et précise. Il est aussi possible d’aller chercher le regard de l’enfant pour s’assurer que l’on a bien capté son attention et, le cas échéant, lui demander de reformuler ou réexpliquer.


De façon surprenante, pour certains enfants, le fait de réaliser une autre tâche, par exemple dessiner, en même temps qu’ils écoutent les consignes permet d’améliorer leur niveau d’attention. Une présentation visuelle des consignes (par exemple sous forme de pictogrammes est souvent très bénéfique.

Plus généralement, il convient de favoriser la gestion du groupe classe en formulant des règles claires et précises dans un climat de bienveillance. Féliciter l’enfant à chaque comportement adapté, par exemple lorsqu’il lève le doigt pour demander la parole ou lorsqu’il réalise son travail de façon adaptée, l’encouragera à poursuivre ses efforts et à développer une image plus positive de lui.

Les différentes stratégies proposées ici ne doivent bien entendu pas être perçues comme un favoritisme. Elles peuvent être appliquées à l’ensemble du groupe classe et s’adapter à chaque enfant, en fonction de ses forces et faiblesses.

En définitive, le TDAH ne doit pas être conçu comme une fatalité, comme une entrave à un futur épanouissement personnel ou professionnel. De nombreuses personnalités connues et moins connues présentent également un TDAH. C’est par exemple le cas d’Emma Watson, qui interprète Hermione Granger dans la saga Harry Potter, ou encore de l’inimitable Jim Carrey. Chaque être humain dispose de capacités qui lui permettent d’accomplir de grandes choses. L’objectif est d’aider l’enfant à lui faire découvrir son propre potentiel, afin qu’il puisse devenir un adulte responsable, confiant et épanoui.

Remerciements : ce travail a été réalisé grâce au soutien de la bourse de la Belgian Kids’ Fund (« Bourse en mémoire du Professeur André Kahn ») accordée à M. Jean‑François Wylock.





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