Guinée Conakry: expédition punitive à Wanindara


Par Rédigé le 12/11/2018 (dernière modification le 11/11/2018)

En marge des manifestations appelées par l’opposition, à Wanindara, en haute banlieue de Conakry, deux jeunes ont été tués par balles mercredi 7 novembre 2018, un policier lynché par la foule jeudi 8. Le lynchage du sous-officier Bakary Camara, a occasionné dans les heures qui ont suivi une expédition punitive contre les habitants du quartier. Constat et témoignages de victimes.


Vendetta policière à Conakry suite à la mort d'un policier jeudi 8 novembre 2018 (a) Boubacar Barry

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Jeudi 8 novembre 2018, les policiers, armés de haches, de sabres, d’armes à feu et de gaz, ont débarqué à Wanindara pour semer la terreur, après le lynchage d’un des leurs. Plusieurs concessions ont été saccagées, des personnes gazées, des boutiques et des motos brûlées, des voitures endommagées, des femmes violentées, des objets de valeur vandalisés et emportés, etc.

Vers 16 heures, les policiers se sont introduits dans la maison de Mouminatou Diallo: "Ils ont renversé les lits, matelas à la recherche d’objets de valeur. Mes jeunes enfants enfermés dans une pièce criaient au secours. Ils nous reprochaient de garder les manifestants et ont menacé de tirer sur la seule fille qui ne s’était pas enfermée et qui est restée avec moi. Il a fallu que les voisins courent interpeller un commandant en retraite du quartier qui est venu les supplier de nous laisser. Après ils sont allés dans la concession voisine pour y semer aussi le trouble, désordre et terreur en cassant les portes, les voitures, brûlant des motos, renversant les valises, lits et matelas,…".

Ibrahima, commerçant de 27 ans est le seul qui soit resté dans la concession de son père, après la vendetta policière de jeudi et vendredi: "J’étais enfermé dans ma chambre quand les policiers sont entrés. J’ai tout vu à travers les vitres fumées de ma fenêtre. Ils ont détruits nos voitures. Ils se sont dirigés vers la grande maison. Ils ont cassé les portes, entrés et trouvés les femmes de mon frère qui s’étaient enfermées dans la douche. Ils ont pris leurs téléphones. Ils ont tout détruit dedans: armoires, valises, écrans-plats, lits, matelas, etc. Après ils se sont dirigés vers ma chambre en y jetant du gaz à travers la fenêtre. J’y étais avec ma femme. On étouffait mais ne voulant pas sortir, on résistait en se bandant le nez et les yeux. Quand ils se sont tournés vers la grande maison, j’ai ouvert doucement la porte. On s’est glissé sur la pointe des pieds derrière la maison où on est resté couché plus d’une heure. Ma grand-mère est alors venue nous chercher, je me suis levé je l’ai serré dans mes bras, on est allé au salon.

Vendredi 9 novembre, dès le matin, les policiers se sont mis à tirer pour disperser les citoyens qui étaient venus s’enquérir de la situation. Il y a eu alors des violences entre manifestants et forces de l’ordre. A 15 heures, ils ont mis le feu à trois boutiques contigües de notre maison. Le feu risquait d'entrer chez nous mais on ne pouvait pas sortir dans la cour. Quels que jeunes tentaient d’éteindre le feu mais les policiers les en empêchaient. Heureusement grâce à la volonté de Dieu et au courage des voisins qui étaient tous sortis avec des sceaux d’eaux, le feu fut éteint. Tout le quartier est rentré à 18h et les policiers ont tiré jusqu’à 22heures. Aujourd’hui samedi je suis le seul dans la maison, toutes les femmes ont fuit la maison. Et on a décidé d’envoyer ma grand-mère chez ma tante à Kissosso"
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Même situation chez Mme Baldé née Binta Barry: "C’était jeudi vers 13 heures quand les policiers sont venus. Ils sont passés par-dessus la cour et ont cassé les cadenas internes pour permettre aux autres d’entrer. Toutes les femmes qui faisaient la cuisine dans la cour se sont enfermées dans leurs appartements. Ils ont cassé la porte de mon appartement en me disant que nous subiront les conséquences de la mort de leur collègue. Ils ont tout détruit, la télé, la bibliothèque, le frigidaire, matelas, valises, l’ordinateur de ma fille universitaire. Ils m’ont trouvé dans un coin de ma chambre et m’ont retiré le téléphone. Ils ont aussi pris 1.200 € que mon mari avait envoyé pour achever notre chantier parce qu’ici on est en location. Les amis et familles m’ont envoyé des enveloppes d’argent à l’occasion de ma cérémonie du dimanche passé, ils ont pris cet argent aussi. Ils ont fait sortir sous le lit mes filles qui s’étaient enfermées dans leur chambre.
En sortant, un policier a aperçu des femmes enfermées dans la cuisine externe. Il est allé défoncer la chambrette dans laquelle un boutiquier voisin avait gardé, dès le début du mouvement le mercredi, un montant de 13.000.000, qu’il a emprunté à quelqu’un, selon lui. Le policier est sorti avec le sac d’argent qu’il a vidé au sol. On a tous vu par la fenêtre, j’ai crié ‘’l’argent de Kana’’. Le policier a braqué le fusil vers nous et m'a dit que si je répète il va tirer sur moi. Et il est parti avec l’argent. En sortant de la cour, ils nous ont lancé du gaz lacrymogène"
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La psychose règne toujours dans le quartier quadrillé par les forces de l’ordre. Plusieurs citoyens ont fuit la zone ou sont en train de la fuir. Ci-jointe une vidéo illustrative prise ce samedi 10 novembre 2018.







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