Un spectacle qui mérite une captation vidéo
Photo courtoisie (c) DR
Il faut des conditions multiples et presque contradictoires pour qu'une production du "Falstaff" de Verdi soit vraiment réussie. Si la présence d'une personnalité de chanteur-comédien hors pair est nécessaire pour soutenir l'ensemble de l'édifice, il faut aussi une troupe capable de jouer avec une précision absolue et de chanter avec toute la minutie cette dentelle orchestrale.
Alors disons tout de suite que la production monégasque voulue voici quelques années par Jean-Louis Grinda tient toujours la route, n'a pas pris une ride, approche encore et toujours de très près ce miraculeux équilibre auquel nous sommes en droit de rêver.
On retrouve donc avec plaisir les décors astucieux de Rudy Sabounghi composés de livres gigantesques qui se ferment ou s'ouvrent au gré des péripéties, les costumes tous plus délirants les uns que les autres de Jorge Jara Guarda qui nous transportent dans une basse cour agitée et colorée, faisant du Pancione un gallinacé proche du Chanteclerc d'Edmond Rostand, le tout tirant vers la farce animalière dans une formidable éclat de rire et un bain de poésie saisissant.
Comme une tornade psychédélique le spectacle balaie tout sur son passage. On rit de bon cœur aux attitudes étudiées de cette animalerie dopée au viagra, pour, tour de force de l'originale présentation, ne jamais dénaturer le propos du compositeur et de son librettiste.
Plaisir de le redire ici. Jean-Louis Grinda est l’un des plus habiles parmi les metteurs en scène d’opéra de style, disons, classique. Simple respect de la musique et du public. Avec toujours ce petit quelque chose de surnaturel, lunaire, aérien, qui touche à la grâce.
On le sait, le rôle titre exige un interprète principal de haute culture, au sens théâtral infaillible, aux capacités vocales intactes, car s'il s'agit d'un rôle de fin de carrière, il ne s'agit nullement d'un rôle pour retraité.
Avec sa trogne de gallinacé blanchi sous le harnais, ses ardeurs embuées de désenchantement, Nicola Alaimo, après son superbe Guillaume Tell hivernal à Monte-Carlo, joue autant la carte du ridicule, de la drôlerie que du pathétique.
Voix de bronze, musicalité au cordeau, ce cabotin emplumé, intelligent, inventif, qui nous transporte à la fois des rives du Pô ou de la Tamise, est parfait, simplement parfait!
Jean-François Lapointe donna à Ford une épaisseur inhabituelle. Et s’il était encore amoureux de sa pintade (la spirituelle Patrizia Ciofi)? Et si c’était ce vieux briscard de coq aviné qui le lui révélait tout à coup?
Car, qui donne et reçoit des leçons dans cette farce d’une sagesse toute pantagruélienne? Sans doute est-ce l’humanité qui, se regardant avec "une certaine gayeté d’esprit conficte en mespris des choses fortuites apprend d’elle-même l’indulgence et l’amour de la vie…
La fraîcheur amoureuse de Fenton et Nanetta fut délicieusement rendue par Enea Scala et Sabine Devieilhe, les deux poétiques en diable.
Le reste de la distribution (Miss Page, Caïus et ses compères en trognes enluminées, beuveries, tromperies, rigolades) se montra au diapason.
Pour une fois, l'opulente Nadine Weissmann offrit une caractérisation pleine de finesse de Mrs Quickly, et non pas une parodie de Carmen égarée chez "Les Joyeuses Commères de Windsor".
Il ne suffit pas d'un bon Falstaff, d'une troupe de copains complices et bien chantant pour faire une grand spectacle.
Cet opéra n'a pas la fluidité ni la fécondité d'invention mélodique typique du Verdi le plus populaire. Il demande un orchestre d'une grande souplesse dans la réalisation des mille renversements contrapunctiques d'une partition miraculeuse.
Le grand Lawrence Foster au pupitre des forces de l'Orchestre et du Chœur de l'Opéra de Marseille situe son propos dans un surprenant climat lunaire et baigne toute l'action de transparence et de chaleur. Les sortilèges du Parc de Windsor, le soin pictural mis par le chef à les faire miroiter, sont d'un charme indéniables et nous emportent dans un kaléidoscope sonore incomparable.
Sortir d'un Falstaff réussi c'est conserver dans la mémoire, inscrite au creux du plaisir même, cette légère frustration qu'inspire la turbulente énigme de l’œuvre.
On regrettera simplement qu'aucune captation vidéo ne soit faite.
Mais ceci est une autre histoire...
Alors disons tout de suite que la production monégasque voulue voici quelques années par Jean-Louis Grinda tient toujours la route, n'a pas pris une ride, approche encore et toujours de très près ce miraculeux équilibre auquel nous sommes en droit de rêver.
On retrouve donc avec plaisir les décors astucieux de Rudy Sabounghi composés de livres gigantesques qui se ferment ou s'ouvrent au gré des péripéties, les costumes tous plus délirants les uns que les autres de Jorge Jara Guarda qui nous transportent dans une basse cour agitée et colorée, faisant du Pancione un gallinacé proche du Chanteclerc d'Edmond Rostand, le tout tirant vers la farce animalière dans une formidable éclat de rire et un bain de poésie saisissant.
Comme une tornade psychédélique le spectacle balaie tout sur son passage. On rit de bon cœur aux attitudes étudiées de cette animalerie dopée au viagra, pour, tour de force de l'originale présentation, ne jamais dénaturer le propos du compositeur et de son librettiste.
Plaisir de le redire ici. Jean-Louis Grinda est l’un des plus habiles parmi les metteurs en scène d’opéra de style, disons, classique. Simple respect de la musique et du public. Avec toujours ce petit quelque chose de surnaturel, lunaire, aérien, qui touche à la grâce.
On le sait, le rôle titre exige un interprète principal de haute culture, au sens théâtral infaillible, aux capacités vocales intactes, car s'il s'agit d'un rôle de fin de carrière, il ne s'agit nullement d'un rôle pour retraité.
Avec sa trogne de gallinacé blanchi sous le harnais, ses ardeurs embuées de désenchantement, Nicola Alaimo, après son superbe Guillaume Tell hivernal à Monte-Carlo, joue autant la carte du ridicule, de la drôlerie que du pathétique.
Voix de bronze, musicalité au cordeau, ce cabotin emplumé, intelligent, inventif, qui nous transporte à la fois des rives du Pô ou de la Tamise, est parfait, simplement parfait!
Jean-François Lapointe donna à Ford une épaisseur inhabituelle. Et s’il était encore amoureux de sa pintade (la spirituelle Patrizia Ciofi)? Et si c’était ce vieux briscard de coq aviné qui le lui révélait tout à coup?
Car, qui donne et reçoit des leçons dans cette farce d’une sagesse toute pantagruélienne? Sans doute est-ce l’humanité qui, se regardant avec "une certaine gayeté d’esprit conficte en mespris des choses fortuites apprend d’elle-même l’indulgence et l’amour de la vie…
La fraîcheur amoureuse de Fenton et Nanetta fut délicieusement rendue par Enea Scala et Sabine Devieilhe, les deux poétiques en diable.
Le reste de la distribution (Miss Page, Caïus et ses compères en trognes enluminées, beuveries, tromperies, rigolades) se montra au diapason.
Pour une fois, l'opulente Nadine Weissmann offrit une caractérisation pleine de finesse de Mrs Quickly, et non pas une parodie de Carmen égarée chez "Les Joyeuses Commères de Windsor".
Il ne suffit pas d'un bon Falstaff, d'une troupe de copains complices et bien chantant pour faire une grand spectacle.
Cet opéra n'a pas la fluidité ni la fécondité d'invention mélodique typique du Verdi le plus populaire. Il demande un orchestre d'une grande souplesse dans la réalisation des mille renversements contrapunctiques d'une partition miraculeuse.
Le grand Lawrence Foster au pupitre des forces de l'Orchestre et du Chœur de l'Opéra de Marseille situe son propos dans un surprenant climat lunaire et baigne toute l'action de transparence et de chaleur. Les sortilèges du Parc de Windsor, le soin pictural mis par le chef à les faire miroiter, sont d'un charme indéniables et nous emportent dans un kaléidoscope sonore incomparable.
Sortir d'un Falstaff réussi c'est conserver dans la mémoire, inscrite au creux du plaisir même, cette légère frustration qu'inspire la turbulente énigme de l’œuvre.
On regrettera simplement qu'aucune captation vidéo ne soit faite.
Mais ceci est une autre histoire...