Edmonde Charles-Roux en 2011. Photo (c) Marcantonio del Drago
C’est à Marseille, dans une maison de convalescence qu’Edmonde Charles-Roux a rendu son dernier souffle ce mercredi 20 janvier 2016 à 95 ans. Affaiblie depuis décembre, Edmonde Charles-Roux a quitté ce monde entourée de son petit-neveu Marcantonio del Drago, a indiqué Marie Dabadie, porte-parole de l’Académie Goncourt.
Cette femme au destin singulier a vécu selon ses convictions, écrivain engagé, elle était une femme libre, féministe et anticonformiste. Son histoire est le reflet de soixante-dix années d’histoire culturelle française.
Cette femme au destin singulier a vécu selon ses convictions, écrivain engagé, elle était une femme libre, féministe et anticonformiste. Son histoire est le reflet de soixante-dix années d’histoire culturelle française.
Un parcours singulier: la guerre
Edmonde Charles-Roux est née à Neuilly-sur-Seine le 17 avril 1920, de parents marseillais, cette fille de diplomate a toujours vécu comme une méridionale farouchement cosmopolite. Rien d’étonnant lorsqu’on découvre les tribulations de sa famille, déménageant au gré des mutations du pater familias, homme d’affaires et diplomate. L’enfance d’Edmonde Charles-Roux s’est ainsi déroulée entre Saint-Pétersbourg, Istanbul, Le Caire, Prague, Londres. L’épopée familiale s’achève en 1932 lorsque Charles Roux est nommé ambassadeur à Rome pour une durée de 8 ans. C’est dans la cité romaine que la jeune Edmonde effectue une bonne partie de ses études.
La guerre vient interrompre cette période de sérénité et en 1939 François Charles-Roux est amené à exercer la fonction de secrétaire d’État aux Affaires étrangères. C’est la fin de la trêve romaine. Edmonde débute des études d’infirmière au moment où la guerre est déclarée, elle n’hésite pas à s’engager comme ambulancière au sein de la Légion étrangère. Elle est blessée en mai 1940 au cours d’un bombardement. Elle est décorée de la Croix de guerre et nommée caporal d’honneur de la Légion étrangère et citée à l’ordre du corps des armées. Car malgré ses blessures, elle avait continué de porter secours aux blessés.
De retour à Marseille, alors que son père démissionne de ses fonctions, lorsque Laval, vice-président du Conseil de Vichy devient secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Edmonde Charles-Roux entre en résistance. Elle intègre le réseau Brutus, puis au lendemain du débarquement en Provence, elle est affectée à l’état-major du général de Lattre de Tassigny. Peu avant les combats pour la libération de Colmar, elle est nommée au poste d’assistante sociale divisionnaire de la 5e division blindée, sous le commandement du général de Vernéjoul. La jeune femme est blessée une seconde fois lors de l’entrée de la 1e armée française en Autriche. Elle sera citée à l’ordre de la division.
A la fin de la guerre, le père d’Edmonde renoue avec ses premiers centres d’intérêts. Il sera le dernier président de la Compagnie universelle du canal maritime de Suez, tout en s’engageant dans le Secours catholique en pleine création. De son côté, Edmonde fait preuve d’insoumission, elle rage qu’on tarde à la démobiliser alors qu’elle est de retour à la vie civile.
C’est ainsi qu’elle menace de déserter. Ce moment ne fut pas pardonné et la jeune femme vit se refermer les portes de son propre milieu. Devenus l’exemple à ne pas suivre, rebelle après avoir vécu au milieu des soldats et des communistes, elle devait être mise au pas ou sanctionnée.
La guerre vient interrompre cette période de sérénité et en 1939 François Charles-Roux est amené à exercer la fonction de secrétaire d’État aux Affaires étrangères. C’est la fin de la trêve romaine. Edmonde débute des études d’infirmière au moment où la guerre est déclarée, elle n’hésite pas à s’engager comme ambulancière au sein de la Légion étrangère. Elle est blessée en mai 1940 au cours d’un bombardement. Elle est décorée de la Croix de guerre et nommée caporal d’honneur de la Légion étrangère et citée à l’ordre du corps des armées. Car malgré ses blessures, elle avait continué de porter secours aux blessés.
De retour à Marseille, alors que son père démissionne de ses fonctions, lorsque Laval, vice-président du Conseil de Vichy devient secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Edmonde Charles-Roux entre en résistance. Elle intègre le réseau Brutus, puis au lendemain du débarquement en Provence, elle est affectée à l’état-major du général de Lattre de Tassigny. Peu avant les combats pour la libération de Colmar, elle est nommée au poste d’assistante sociale divisionnaire de la 5e division blindée, sous le commandement du général de Vernéjoul. La jeune femme est blessée une seconde fois lors de l’entrée de la 1e armée française en Autriche. Elle sera citée à l’ordre de la division.
A la fin de la guerre, le père d’Edmonde renoue avec ses premiers centres d’intérêts. Il sera le dernier président de la Compagnie universelle du canal maritime de Suez, tout en s’engageant dans le Secours catholique en pleine création. De son côté, Edmonde fait preuve d’insoumission, elle rage qu’on tarde à la démobiliser alors qu’elle est de retour à la vie civile.
C’est ainsi qu’elle menace de déserter. Ce moment ne fut pas pardonné et la jeune femme vit se refermer les portes de son propre milieu. Devenus l’exemple à ne pas suivre, rebelle après avoir vécu au milieu des soldats et des communistes, elle devait être mise au pas ou sanctionnée.
Ce merveilleux malheur: construire quoiqu’il arrive
La nécessité de trouver un emploi conduisit Edmonde Charles-Roux à quitter Marseille. C’est ainsi qu’elle tente de faire ses armes dans le journalisme. Le hasard met un armateur marseillais sur son chemin. Il s’avère que ce dernier est actionnaire dans un nouvel hebdomadaire féminin, peu connu qui s’appelle: Elle. La jeune femme débute dans l’hebdomadaire. Passionnée de musique, elle accompagne la naissance du festival d’Aix-en-Provence. Edmonde travaille comme courriériste à la rédaction de Elle jusqu’en 1949 puis obtient un poste à l’édition française de Vogue, dont elle devient rapidement rédactrice en chef, succédant à Michel de Brunhoff. Elle impose rapidement sa patte au magazine, le contenu est notablement modifié notamment par l’adjonction de 30 pages cultures sur 70 pages au total. Faisant la pluie et le beau temps, elle se révèle un redoutable révélateur de talents. Agissant comme un catalyseur, elle donne le ton, offrant la notoriété à diverses personnalités comme le peintre Hervé Dubly, l’écrivain Violette Leduc ou le photographe Richard Avedon. Propulsée au sommet, cette anti-conformiste habituée à créer l’air du temps plutôt qu’à le suivre commit à nouveau ce que son époque considéra comme un impair en cherchant à imposer une femme de couleur en couverture. L’épisode fit scandale et Edmonde Charles-Roux dut quitter le magazine en 1966. Il faudra attendre plus de 20 ans pour que sa vision se réalise et que le mannequin Noémie Campbell fasse la couverture de Vogue Paris en 1988.
Oubliant de s’attrister sur son sort, Edmonde Charles-Roux publie son premier roman "Oublier Palerme" à l’automne 1966. Ce fut un coup de maître puisque d’emblée couronné du Goncourt. L’écrivaine n’était pas vraiment novice. Elle avait participé dix ans plus tôt aux ateliers littéraires crées par Maurice Druon afin de rédiger "Les Rois maudits".
Oubliant de s’attrister sur son sort, Edmonde Charles-Roux publie son premier roman "Oublier Palerme" à l’automne 1966. Ce fut un coup de maître puisque d’emblée couronné du Goncourt. L’écrivaine n’était pas vraiment novice. Elle avait participé dix ans plus tôt aux ateliers littéraires crées par Maurice Druon afin de rédiger "Les Rois maudits".
La vie se vit et s’écrit
D’emblée lauréate du Goncourt, le bonheur aurait pu s’arrêter là. Mais les caprices du destin en ont décidé autrement et ont offert un coup de foudre à la romancière. C’est lors de la remise de la médaille de la ville de Marseille, qu’Edmonde Charles-Roux "rencontre" le maire Gaston Deferre. Cupidon frappe et le couple est bientôt marié. La femme libre, dont les idylles ont fait grincer les dents des conservateurs des années '50, décide de se poser. La vie prend alors un autre rythme et l’écrivaine s'offre le temps d’écrire. Seront ainsi publiés, chez Grasset, "Elle, Adrienne" (1971); "L’irrégulière ou mon itinéraire Channel" (1974), la biographie d’Isabelle Eberhardt, "Un désir d’Orient" (1988) et ["Nomade j’étais"]urblank:https://www.amazon.fr/Nomade-j%C3%A9tais-Edmonde-Charles-Roux/dp/2253141658/ref=as_sl_pc_ss_til?tag=podcajourn-21&linkCode=w01&linkId=&creativeASIN=2253141658 (1995).
Ce parcours sans faute a ouvert les portes de l’Académie Goncourt à Edmonde Charles-Roux le 13 septembre 1983. Là encore, Edmonde oublie de rentrer dans le rang. Toujours libre, elle inquiète lorsqu’elle envisage de dépoussiérer le Goncourt avec le prix des lecteurs lycéens. Mais, elle ne cède pas et, dès 1988, le Goncourt lycéen en partenariat avec l’éducation lycée et la FNAC est sur pied.
Elle poursuit la modernisation de l’institution Goncourt à compter du 5 mars 2002, date à laquelle elle en devient présidente jusqu’en 2014. Elle cède alors sa place à Bernard Pivot puis son couvert à Eric Emmanuel Schmitt en Janvier dernier.
Écrivain de talent, Edmonde Charles-Roux se caractérise par une écriture juste, tout en finesse posant contexte et personnages. Mêlant sobriété et empathie, elle sait transmettre l’émotion exacte sans fioriture excessive. Son dynamisme et sa vivacité d’esprit ont contribué à la relation particulière qu’elle entretenait avec les jeunes réunis chaque année à Rennes pour les Rencontres Goncourt des lycéens. Elle a transmis sa passion du livre de génération en génération avec une constance admirable laissant autant de traces dans les jeunes esprits que de lignes écrites. En avance sur son temps, celle qui aimait répéter "vivre, c'est dire non" n'est plus, mais son message perdure.
Ce parcours sans faute a ouvert les portes de l’Académie Goncourt à Edmonde Charles-Roux le 13 septembre 1983. Là encore, Edmonde oublie de rentrer dans le rang. Toujours libre, elle inquiète lorsqu’elle envisage de dépoussiérer le Goncourt avec le prix des lecteurs lycéens. Mais, elle ne cède pas et, dès 1988, le Goncourt lycéen en partenariat avec l’éducation lycée et la FNAC est sur pied.
Elle poursuit la modernisation de l’institution Goncourt à compter du 5 mars 2002, date à laquelle elle en devient présidente jusqu’en 2014. Elle cède alors sa place à Bernard Pivot puis son couvert à Eric Emmanuel Schmitt en Janvier dernier.
Écrivain de talent, Edmonde Charles-Roux se caractérise par une écriture juste, tout en finesse posant contexte et personnages. Mêlant sobriété et empathie, elle sait transmettre l’émotion exacte sans fioriture excessive. Son dynamisme et sa vivacité d’esprit ont contribué à la relation particulière qu’elle entretenait avec les jeunes réunis chaque année à Rennes pour les Rencontres Goncourt des lycéens. Elle a transmis sa passion du livre de génération en génération avec une constance admirable laissant autant de traces dans les jeunes esprits que de lignes écrites. En avance sur son temps, celle qui aimait répéter "vivre, c'est dire non" n'est plus, mais son message perdure.