Edito : Ecoutez un regard décalé


Par Rédigé le 18/01/2011 (dernière modification le 18/01/2011)

La Tunisie vit-elle un moment historique ? Sommes-nous témoins d'un tournant dans l'histoire de ce pays ? Ou n'est-ce qu'une mascarade où "l'on reprend les mêmes et on recommence" ? Beaucoup de questions pour l'heure sans réelles réponses, tellement la situation semble évoluer rapidement. Et c'est tant mieux.


Après le départ surprise vendredi du président Ben Ali, la mise en place d'un nouveau gouvernement lundi, avec des membres de l'ancien cabinet, en a laissé dubitatifs plus d'un. Mardi, on a appris que les ministres de l'opposition et de la société civile qui avaient accepté d'entrer dans la nouvelle coalition ont déjà démissionné. L'ancien et actuel Premier ministre demande qu'on leur laisse du temps et qu'on leur fasse confiance car ces anciens ministres de Ben Ali auraient les mains propres. Ces efforts demandés seront difficiles à faire accepter à la population qui aimerait certainement que pour une fois ce ne soit pas elle qui doit en faire – des efforts, mais plutôt cette caste politique qui semble avoir déjà largement profité de la situation. Tout va donc très vite. Le vent qui souffle sur le Maghreb aujourd'hui est très stimulant. Les événements tunisiens sont suivis de très près par les Etats voisins, en vérité inquiets des conséquences éventuelles sur leur pays. Ils n'ont peut-être pas tort. Mais ce vent stimulant est aussi meurtrier. Les immolations dont nous sommes actuellement les témoins sont effrayantes de désespoir. Par définition, l'immolation est un acte de protestation éminemment politique. Elle porte en elle tout un symbole de détresse spectaculaire et me fait penser à ce mot de Voltaire : "Souvent le désespoir a gagné des batailles". Espérons que ce soit le cas aujourd'hui.

Y aura-t-il au Maghreb un effet dominos comme nous l'avons vu en 1989 pour les pays d'Europe centrale et orientale, maintenus sous la coupe du communisme pendant une quarantaine d'années ? Réfractaires à toute ouverture, les dirigeants de ces pays d'Afrique du nord, trop confiants dans leur capacité à éviter le pire sont manifestement surpris de ce qui se passe et n'ont préparé aucunes stratégies quelles qu'elles soient. L'effet de contagion apparaît comme un des facteurs essentiels du danger qui les menace, corollaire d'une dissidence, d'une opposition qui manquent encore parfois d'expérience mais qui manifestement semblent apprendre très vite. Surtout et comme en 1989, c'est la mondialisation qui poussera les populations à réagir, c'est l'envie du même confort que les Européens, d'une qualité de vie acceptable qui poussera les populations à se révolter. On s'inquiète des conséquences de la propagation d'un islam radical mais celui-ci sera-t-il aussi fort et puissant que l'envie de vivre honorablement ?

Comme il y a une dizaine d'année, il semble que les dirigeants français et européens soient passés tout à fait à côté de l'histoire. En 1989, le président François Mitterrand n'a pas vu venir les événements et n'a pu que prendre en cours le train de l'histoire, englué qu'il était dans son éducation et ses habitudes intellectuelles. Concernant le président Nicolas Sarkozy et la diplomatie française, ce n'est pas mieux. Ce qui est surtout regrettable dans cette affaire, c'est cette quasi incapacité qu'ont les politiciens et les diplomates à reconnaître qu'ils n'ont rien vu venir. Au mieux le reconnaissent-ils mais en précisant que personne n'a pu faire mieux qu'eux. C'est pathétique et triste. Car eux sont censés avoir les renseignements que les autres n'ont pas, eux sont censés avoir des conseillers, spécialistes de dossiers complets sur des questions diverses et variées. Sans parler de ce manque d'humilité qui leur fait perdre toute crédibilité.





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