Des choses de la vie de Piccoli


Par Marie Nowicki Rédigé le 19/05/2020 (dernière modification le 19/05/2020)

Il était l'élégance, la classe, l'extravagance et la pudeur. On apprenait seulement hier que le grand Michel Piccoli est parti discrètement le 12 mai 2020 à l’âge de 94 ans. Retour sur l’homme d’une double vie, qui a tant apporté au théâtre et au cinéma français, avec plus de 150 films à son actif.


Michel Piccoli au Festival de Cannes en 2013 pour une nouvelle projection de "La Grande Bouffe" en version restaurée, 40 ans après le scandale © Georges Biard
Comment expliquer, sinon par le talent, qu’un visage aussi commun se soit inscrit durablement dans notre mémoire visuelle collective ? Probablement le choix de ses personnages cinématographiques, choix réfléchis par des années préalables de carrière théâtrale. Né à Paris en 1925, dans une famille de musiciens, Michel Piccoli découvre le théâtre à l’âge de 9 ans et… c’est une révélation : il sera acteur, sinon rien.

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Sa carrière de comédien débute dans les années 50. Dirigé sur les planches par les plus grands, Peter Brook, Jacques Audiberti, Luc Bondy, Jean Vilar, Jean-Marie Serreau ou encore Patrice Chéreau, il regrettera toutefois d’avoir raté Beckett avec "En attendant Godot". A la fois le Roi Lear, le séducteur Dom Juan ou encore Alceste, Piccoli a su briller et durer sur scène, une longévité qu’il doit à sa discipline. Le théâtre est son premier amour et "j’y reviens toujours" disait-il ; jusqu’à l’âge de 83 ans avec son rôle dans la pièce "Minetti" de Thomas Bernhard et mis en scène par d’André Engel, une dernière performance saluée par la critique.

Dans les années 60, sa carrière prend une autre dimension. Il se révèle au grand écran avec "Le Mépris" de Jean-Luc Godard (1963). Donnant la réplique à Brigitte Bardot, il joue le rôle d’un scénariste veule, le chapeau vissé sur la tête pour "faire comme Dean Martin". Le début d’une longue carrière, aux côtés des plus grands et jusqu’en Italie. Son physique de séducteur aux sourcils broussailleux, au crâne dégarni et sa voix aux multiples tonalités, à la fois tonitruante et feutrée, plaisent, en particulier à Claude Sautet dont il devient l’acteur fétiche ("Les Choses de la vie" 1970, "Max et les Ferrailleurs" 1971, "Vincent, François, Paul… et les autres" 1974).

Coup de foudre amical avec Louis Buñuel, le réalisateur lui offrira bon nombre de ses premiers rôles ("Le journal d’une femme de chambre" 1964, "Belle de Jour" 1967). Marco Ferreri casse cette image de séducteur bourgeois avec "Dillinger est mort" (1969) et surtout "La Grande Bouffe" (1973), un des plus grands scandales du Festival de Cannes, qui en a connu pourtant beaucoup.

Curieusement, Michel Piccoli ne recevra qu’une distinction dans sa carrière : le prix d’interprétation masculine à Cannes en 1980 pour son rôle dans "Le Saut dans le vide" de Marco Bellocchio… à défaut d’un César d’honneur qu’il n’aura jamais obtenu ; une faute regrettable pour les "professionnels de la profession".






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