« Forteresse de coton »
L’otogar d’Antalya ressemble à un aéroport avec ses terminaux, sa galerie commerçante et ses nombreux guichets des compagnies du pays. Le voyage en bus est une vraie institution en Turquie où le train est encore peu développé et réputé lent. Quelques heures d’un de ces bus tout neuf avec stewart nous mènent à Denizli où l’on prendra un bus local pour Pamukkale. L’otogar de Denizli est un des rares endroits en Turquie où les touristes se font désagréablement harceler par des rabatteurs qui, connaissant quelques mots d’anglais, se croient obligés de jouer les intermédiaires auprès des compagnies de bus ou des hôtels en mal de fréquentation. Pamukkale n’est qu’un petit village agricole perdu dans la campagne turque mais il attire des milliers de visiteurs en raison de la présence d’un étonnant site à la fois naturel et historique. Son nom signifie « la forteresse de coton », cela désigne une sorte de falaise d’un blanc éclatant sculptée par les sources naturelles qui ont dévalé ses pentes et déposé du calcaire au fil des siècles, formant des sortes de vasques géantes dans lesquelles s’écoule l’eau de source. Les Romains qui aimaient tant les plaisirs de l’eau ne s’y sont pas trompés et ont construit toute une ville thermale surplombant le relief de coton. On a hâte de voir ça.
Un « Aqualand » culturel
Cela se révèle aussi beau que sur les cartes postales, si ce n’est plus. Arrivées au pied de la colline blanche, on est sommé de se déchausser pour poursuivre notre promenade sur le calcaire afin que les pas des visiteurs n’abîment pas le site. Près des vasques et sur les hauteurs, il y a foule et ça parle dans toutes les langues ; on a l’impression de retrouver le monde entier sur un site au beau milieu de la Turquie. Mais le panorama est splendide : les couleurs ne cessent de changer et les boursouflures blanches se mettent à rosir au fur et à mesure que le soleil décline. Le lendemain, on s’attaque à la visite complète des ruines romaines qui sont elles beaucoup moins fréquentées… Il semble que tous les touristes s’arrêtent à la « piscine antique », une piscine d’eau de source mais au look antique un peu pathétique consistant en quelques colonnes dispersées dans les bassins. D’ailleurs mal informées, on n’a pas pris nos maillots de bain et on le regrette un peu car presque tous les visiteurs barbotent allégrement dans les vasques d’eau naturelles. Et c’est vrai que c’est tentant sous ce soleil de plomb… C’est d’ailleurs amusant de voir le contraste entre ces vacanciers en maillots sur un décor de roches tellement blanches qu’on dirait un paysage gelé. Heureusement le site de Pamukkale est très étendu et en sortant des chemins battus, on trouve un bassin tranquille qui recueille les eaux de source. Non loin de là se trouve de plus un coin splendide avec des vasques remplies d’une eau turquoise et peu fréquentées, si ce n’est par des naïades russes qui semblent poser pour des photos de charme sur fond de cascades et parois immaculées. Alors tant pis, on se jette à l’eau nous aussi et on barbote en tee-shirt et culotte !
Prochaine étape : Selçuk
Cette paisible petite ville aux nids de cigognes sur minarets sert de base à la visite d’Ephèse et à notre prochaine pension. Un hurluberlu nommé Derviche vient nous chercher à l’otogar et tout en nous encourageant à monter l’escalier qui mène à la pension avec nos gros sacs à dos, il se prend pour Charlie et ses drôles de dames et fait résonner son rire communicatif dans les rues de Selçuk. Ils ont l’air tous un peu cinglés dans cette famille, mais très attachants. Sa sœur Oya qui gère l’intendance aime à raconter qu’elle a deux mères, l’une turque, l’autre suisse et qu’elle est aussi un peu australienne. Soit. Mais elle a un sens de l’accueil spontané et généreux. Et sa mère prépare de délicieux dîners, de la bonne cuisine turque familiale qu’hôtes de la pension et membres de la famille toutes générations confondues savourent sur la terrasse colorée. La visite d’Ephèse est quant à elle un peu décevante. Certes les vestiges romains sont grandioses, surtout son impressionnant théâtre romain de 25000 places (le plus grand de toute l’Asie romaine !) et bien sûr la façade de la Bibliothèque de Celsus finement sculptée. Mais le parcours est un peu trop balisé, les explications presque inexistantes et la foule de touristes est tellement compacte que, parfois, on ne peut pas avancer. On doit alors se contenter de les observer en train de prendre la pose devant chaque vieille pierre. Il semble que les ruines de la Grande Ephèse ont perdu leur sérénité depuis longtemps…