Connaissez-vous le Refugee Food Festival ?


Par Elise Venet Rédigé le 20/11/2020 (dernière modification le 14/11/2020)

Organisé par des citoyens, le Refugee Food Festival a lieu chaque année en juin dans 15 villes du monde. Il donne lieu à des collaborations entre des cuisiniers réfugiés et restaurateurs locaux, mais pas seulement !


Succès dès la première édition

L'édition 2020 s'est tenue dans 9 villes de France au cours du mois d'octobre (Dijon, Strasbourg, Bordeaux, Paris, Lille, Marseille, Rennes, Nantes, Lyon) en raison de la pandémie et des mesures de confinement. / © Food Sweet Food
Au commencement, il y eut un voyage. Le voyage en 2015 de Marine Mandrila et Louis Martin, partis rencontrer les habitants d'une dizaine de pays pour découvrir leurs traditions culinaires. Forts de ces rencontres, ils ont popularisé un certain nombre de recettes dans un livre intitulé Very Food Trip et une série documentaire en 16 épisodes diffusée par le groupe Canal +.

En 2015, les termes de "crise migratoire" font leur apparition dans les médias pour désigner les importants flux de populations en provenance de Syrie, du Kosovo, d’Afghanistan, d’Irak, etc. vers l’Union européenne. À ce titre, Louis et Marine s’interrogent sur la façon dont ils pourraient soutenir la cause de ces milliers de personnes en quête d’un avenir meilleur. Eux, qui avaient été reçus avec générosité et hospitalité au cours de leur périple, cherchent à faire connaitre ces cultures, par le biais de la gastronomie. Aidés d’amis, ils décident d’organiser une série d’évènements rassemblant restaurateurs et cuisiniers réfugiés qui élaborent ensemble des "menus fusion" franco-syriens, franco-soudanais…

"La première édition du Refugee Food Festival (RFF) a eu lieu à Paris en 2016 et a reçu un accueil assez incroyable dans la presse française et internationale. Des citoyens de pays étrangers nous ont contactés pour répliquer l’évènement dans leur ville", raconte Fanny Borrot, responsable coordination et développement de l’association Food Sweet Food.

Cette association supervise l’organisation du festival. Elle se tourne alors vers le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations-Unies, qui lui apporte son soutien. Ensemble, ils construisent un kit méthodologique proposant des solutions concrètes aux groupes de citoyens désireux de déployer le RFF localement : comment identifier et rencontrer des personnes réfugiées détentrices d’un talent culinaire, ou dont le projet de reconversion a trait à la restauration ? Comment approcher un restaurateur pour lui proposer d’accueillir une personne réfugiée, le temps du festival ou plus longuement ? Quelle stratégie adopter en matière de communication et de budget ?

Tester son projet professionnel

En 4 ans, le festival a été organisé dans une vingtaine de villes à travers le monde. Hors période Covid-19, il se tient toujours autour du 20 juin, Journée mondiale des réfugiés. "Cette date est symbolique. Elle constitue un levier médiatique puissant pour sensibiliser le grand public et changer le regard porté sur les réfugiés. En outre, le Refugee Food Festival sert de tremplin aux cuisiniers qui y participent. C’est pour 95% d'entre eux la première expérience professionnelle dans ce secteur en France. Ils mesurent ainsi la viabilité de leur projet et, dans tous les cas, reprennent confiance en eux en rencontrant le public, détaille Fanny Borrot.

Le tissu associatif des différentes villes organisatrices du festival constitue un relai fondamental à l’activité de Food Sweet Food dans la détection des restaurants partenaires et l’identification des cuisiniers. Pour ce faire, Food Sweet Food collabore avec des centres d’hébergement, et des associations qui œuvrent à l’insertion des réfugiés et à l’enseignement du FLE (Français Langue Etrangère), parmi lesquelles France Terre d’Asile et la Cimade.

"Souvent, les assistants sociaux, éducateurs, ou autres professionnels de ces structures nous indiquent : tiens, telle personne cuisine énormément au centre d’accueil. Il ou elle adore ça et souhaiterait se reconvertir dans la restauration. Les équipes bénévoles locales rencontrent ensuite les réfugiés au cours d’entretiens. Ils discutent épices, plats typiques, quantités à produire, projet professionnel... Sans nos bénévoles, notre association de 4 salariés ne disposerait pas de ce maillage territorial et le festival resterait très limité".

Certains réfugiés exerçaient auparavant en tant que cuisiniers, restaurateurs, ou boulangers dans leur pays d’origine. D’autres ont déjà été en charge de l’organisation de mariages de 200, 300 personnes. Quelques-uns, peut-être plus réservés, cuisinent en plus petites quantités. "Il faut trouver des restaurants d’accueil qui leur correspondent pour ne pas les mettre en difficulté. Je suis obligée de préciser que nous n'accompagnons que des réfugiés statutaires en France. Nous avons essayé par le passé de travailler avec des demandeurs d’asile mais les démarches auprès de la préfecture sont extrêmement compliquées, contrairement à l’Espagne, par exemple. La loi y est beaucoup plus souple en la matière. Selon les villes où est organisé le festival, nous nous adaptons !"

Pérenniser l’action du festival

Pour la plupart des cuisiniers, occuper les fourneaux d’un restaurant au cours du festival se révèle être une expérience très positive. Les restaurateurs engagés dans une démarche solidaire fournissent la matière première, déclarent et rémunèrent les cuisiniers. Afin de prolonger l’expérience du RFF, Food Sweet Food a également ouvert un restaurant d’insertion appelé La Résidence qui se situe au sein de Ground Control, à Paris. Sous forme de comptoir, La Résidence accueille tous les 6 mois un cuisinier réfugié pour le former :
  à la prise de commandes, à la gestion budgétaire et financière de son activité, au management d’équipes, et aux normes d’hygiène. Deux autres programmes complètent cette démarche. Le premier (Sésame) permet à La Résidence de former des réfugiés au métier de commis de cuisine et se découpe ainsi : 3 mois d’apprentissage du français professionnel, 3 mois en plateau technique restauration pour maîtriser découpe, cuisson, concoction des sauces, etc., complétés par plusieurs semaines de stage dans des restaurants partenaires.

Le second (Tournesol) accompagne les personnes réfugiées vers le métier d’employé polyvalent en restauration collective, avec des débouchés dans les cantines d’hôpitaux, les cantines scolaires, les restaurants d’entreprises, ... La formation Tournesol s’adresse notamment à des personnes dont les responsabilités familiales ne permettent pas de suivre les horaires classiques en restauration. En effet, être employé de restauration collective garantit de conserver les après-midis de semaine et les weekends libres.

« Globalement, l’État s’est rendu compte qu’il y avait énormément de personnes statutaires en France sans équivalence de diplôme dans des secteurs en tension comme la restauration, le BTP etc. Notre but à long terme consiste à étendre et diversifier nos formations sur l’ensemble du territoire. Nous devrions avoir formé 280 commis de cuisine d’ici 2022 et de grandes entreprises s’engagent à embaucher nos professionnels en restauration collective. Les deux ambitions du RFF sont d’une part, la citoyenneté et, d’autre part, la formation répondant à de vrais besoins", déclare Fanny.

Et cette année de pandémie ?

"Les acteurs de Food Sweet Food ont du mal à rester les bras croisés. Le site de Ground Control a naturellement été fermé pendant le premier confinement mais, rapidement, nous avons remis en service les cuisines de La Résidence. La Fondation de France nous a sollicités pour établir un programme à destination des plus démunis. Nous avons ensuite rejoint le collectif Raliment, Yes We Camp nous a prêté son emplacement et une armada de bénévoles nous a permis de délivrer près de 100.000 repas en 3 mois... On ne va pas baisser les bras pendant ce deuxième confinement", conclut la jeune femme.

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