Chronique du Cameroun


Par Max Dominique Ayissi Rédigé le 09/03/2009 (dernière modification le 09/03/2009)


Du plomb dans l’aile

Où est donc passé l’ « Epervier » ? La question peut paraître superflue, mais la vérité est cruelle. Après des parades extravagantes, par ailleurs hautement saluées par tous ceux qui pensaient que le règne de l’impunité ne pouvait que conduire à la dérive, l’opération d’assainissement des mœurs, dans la gestion des affaires publiques au Cameroun, bat de l’aile. Si tant est qu’elle existe toujours. Mais, aussi longtemps que personne n’en aura officiellement déclaré la mort, les désespérés des causes justes vont continuer à souhaiter que tous ces fantoches, déprédateurs du bien commun, soient mis hors d’état, et c’est de le dire, de nuire.
Cette aspiration, il y a un an, réalité médiatico-politique, avec les arrestations en série de ministres et autres directeurs généraux, présumés "dévaliseurs" des caisses de l’Etat ; ces mises aux arrêts spectaculaires semblent aujourd’hui une vaine espérance. L’oiseau de la salubrité morale s’étant visiblement arrêté de voler, alors même que s’affolent, de toutes parts, des proies qui étaient loin de s’imaginer, il y a peu, dans une telle posture.
On en est aujourd’hui à se demander s’il n’eut pas fallu les arrêter, tous et à la fois. Puisque les dernières nouvelles, qui en parviennent, laissent transparaitre comme une mise en branle des réseaux mafieux et politiques, pour neutraliser cette initiative.
Les interpeller tous et en même temps, l’idée est à la fois grotesque et charmante. Cela aurait certainement évité d’en arriver au sentiment national d’impuissance, qui est perceptible en ce moment. Prémices d’une prodigalité encore plus dramatique. Cet aussi là que se trouve, à coup sûre, l’explication de l’essoufflement de cette opération de traque des fossoyeurs de la fortune publique. De fait, s’il avait fallu arrêter les détourneurs de fonds publics, tous les détourneurs, de ces vingt dernières années, ne serait-ce que ceux-là, il ne resterait personne pour mener la moindre enquête. Cela s’appelle un système pourri jusqu’à la moelle. Tant tous ceux qui ont participé à la gestion des affaires publiques, pendant cette période, sont susceptibles de poursuites judiciaires ; puisque l’autorité étatique avait pris des vacances, pour laisser libre cours à une gestion des plus calamiteuses.

Des espérances naufragées

C’était tout le mérite de l’ « Opération épervier », de redonner la main à la puissance publique. Même si cela revenait à se prévaloir de sa propre turpitude. Malheureusement et forts d’une opulence acquise sur le malheur de la communauté, ces détourneurs de fonds publics se sont reconstitués, au point de retourner la nouvelle donne en leur faveur. Du coup, on en a vu défiler, à coup de limogeages et de promotions les équipes d’enquêteurs, à la direction générale de la police judiciaire comme au contrôle supérieur de l’Etat. A croire que le système avait pris peur, devant sa propre créature. Ils ont de nouveau tissé leur voile, autour l’oiseau de leur malheur, le rapace de toutes les espérances.
Tel celui qui croyait prendre, l’ « Opération épervier » est aujourd’hui prise à son propre piège. Cela explique certainement qu’un individu, à qui l’Etat, à travers le ministère du Contrôle Supérieur de l’Etat réclame deux milliards de francs Cfa, plainte rendue publique par communiqué de presse, dorme allègrement dans le luxe de ses appartements et s’apprête même à se parer des honneurs de compositeur de la musique officielle de la visite de sa sainteté le pape Benoît XVI, en toute extravagance et liberté. Tandis que ses coaccusés, dans la gestion scabreuse de l’office national de radio et télévision (CRTV), s’affrontent à visage découvert, par média interposés, sans une prise en main judiciaire des acteurs de cette sorte de foire aux détrousseurs.
Il faudra certainement plus de volonté et surtout s’imposer le compromis zéro, pour redonner de l’altitude à cette initiative et faire le ménage. Ce n’est malheureusement l’impression que laissent certaines d’attitudes, dont la nomination à de hautes et stratégiques fonctions de personnes qui étaient, il n’y a pas très longtemps, impliquées dans des évasions massives de deniers publics. Parce que la présomption d’innocence ne peut pas constituer un alibi à la mise en péril de l’intérêt national. Quelqu’un devra donc se charger d’arrêter la machine spoliatrice. Si ce n’est pas le prince, la nature se chargera d’inspirer quelqu’un d’autre, pour le faire. Elle dont il est reconnu qu’elle a horreur de vide. Et une certaine actualité fait des émules, qu’il serait risqué de souhaiter au Cameroun.


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