Chlordécone: Le scandale sanitaire


Par Nouria Anseur Rédigé le 06/01/2020 (dernière modification le 29/12/2019)

En 2009, le chlordécone est inscrit dans la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, ce qui interdit sa production et son utilisation dans le monde entier.


La conférence-débat du 5 novembre dernier à Paris avait pour but d’informer les ultramarins de l’hexagone et de leur donner la parole. Facebook, capture d’écran.
Pesticide utilisé contre les charançons dans la culture bananière dès 1972, le chlordécone a révélé rapidement sa dangerosité, qui a conduit à son interdiction aux Etats-Unis en 1975. En France, l’interdiction a été prononcée … en 1990, Mais n’a été appliquée aux Antilles qu’en 1993. En effet, l’un des arguments ayant justifié des dérogations d'usage pour les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe est le fort développement du charançon après le passage de L'ouragan Allen en 1980, 300 t de ce pesticide seront pulvérisées entre 1972 et 1993: date de son interdiction officielle aux Antilles. Des usages clandestins ne sont pas à exclure après cette date puisque des ventes illégales ont été dénoncées. De son usage, "fruit d’un aveuglement collectif", selon Emmanuel Macron en visite en Martinique en septembre 2018, découle un empoisonnement d’une très large majorité de la population antillaise: 95% de personne contaminée en Martinique. Les actions se multiplient sur place et en métropole.

Chlordécone: Le scandale sanitaire  (2.26 Mo)


Immersion au cœur d’une action menée par un actif

Les citoyens sont acteurs aux côtés des associations pour atteindre leurs objectifs. Image courtoise (CRAN).
Information, réparations, le Cran "Conseil Représentatif des Associations Noires" se bat sur tous les fronts du dossier chlordécone. Entretien avec son président Ghyslain Videux. "S’indigner, c’est bien. Mais s’indigner ne suffit pas. Il faut passer à l’action", attaque Ghyslain Videux dès les premières secondes de notre entretien ce mardi 12 novembre 2019.
Déterminé, le président du CRAN explicite ses propos : "Avec nos partenaires de l’association VIVRE, dont le rôle est la défense des droits des personnes victimes de l’empoisonnement par le Chlordécone, nous lançons une action à titre collectif et individuel. "Cette action innove, dans le sens où les citoyens sont acteurs aux côtés des associations pour atteindre leurs objectifs".
Plusieurs réunions se sont déroulées depuis le début de cette action collective le 13 septembre 2019, en Martinique, en Guadeloupe et à Paris.
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En quoi consistent les objectifs de cette action ?
"L’État était au courant de la toxicité de ce produit et a laissé la population s’empoisonner", accuse G. Vedeux. "Nos objectifs consistent en la reconnaissance de la responsabilité de l'État: que la vérité soit admise, soit dite, et que l’État en tire les conséquences". Les conséquences écologiques: rendre possible la consommation locale dans un pays contaminé pour 700 ans, les conséquences économiques: redonner confiance aux Antillais dans leurs filières et estimer les indemnisations à verser aux victimes pour préjudice morale et physique.

En effet, le chlordécone utilisé à outrance aux Antilles, reste un sujet tabou dans les familles. Pourtant la Martinique connaît un taux anormal de cas d’infertilité, et le record mondial du taux de cancer de la prostate. La conférence-débat du 5 novembre dernier à Paris avait pour but d’informer les Ultramarins de l’Hexagone et de leur donner la parole.
"La mobilisation prendra plusieurs formes", déclare G. Vedeux, et tous les volets ont leur importance :
Informatif, judiciaire, économique. "Nous attaquerons l’Etat en justice, mais pas sans les citoyens".

Les medias et le site internet dédié "chlordécone.mysmartcab.fr" diffusent l’information au sujet de cette action. 750 participants sont aujourd’hui recensés.
Dans un contexte de catastrophe sanitaire, économique et écologique, le Cran et Vivre se sont lancés dans un combat de longue haleine pour la reconnaissance globale de la responsabilité de l’Etat.

Le Sénat réagit

le Sénat a voté le 3 décembre dernier, un amendement déposé par l’élue socialiste Victoire Jasmin, qui prévoit que l'État couvre le coût des dépistages du taux de chlordécone dans le sang. Le prix d'un dépistage serait évalué entre 80 et 140 euros, selon les laboratoires d'analyses, explique-t-elle. Depuis juillet 2018, trois pétitions réclamant la gratuité du test de dépistage ont été lancées et cumulent actuellement plus de 66 000 signatures. Le texte de la parlementaire guadeloupéenne e a été adopté avec une large majorité après avoir reçu le soutien de la commission des finances, bien que le gouvernement ait émis un avis défavorable et que les députés de La Répblique en Marche s'y soient opposés. Une augmentation des crédits de 2 millions d’euros est prévue, pour financer ce dispositif. L’assemblée nationale doit elle aussi voté en faveur de cet amendement afin qu’il soit définitivement adopté.

En Martinique, les mobilisations se poursuivent

Carrefour Genipa situé dans le sud de la Martinique, était la cible des militants anti chlordécone. (c) Capture d'écran Facebook.
Ce samedi 28 décembre 2019, Carrefour Genipa situé dans le sud de la Martinique, était la cible des militants anti chlordécone .Cet hypermarché appartient à Bernard Hayot, le frère d’Yves Hayot (ancien président du groupement des producteurs de bananes de L’île). Yves Hayot était notamment directeur général de la société Laguarigue qui avait obtenu une dérogation pour commercialiser du chlordécone aux Antilles. Les manifestants ont perturbé l’accès des clients au supermarché, ils n’ont pas hésité à mettre le feu à des pneus à l’extérieur de l’enseigne. Des heurts les ont opposés aux gendarmes présents sur les lieux. L’appel au boycott du groupe GBH (groupe Bernard Hayot) a été lancé la veille sur les réseaux sociaux , sous le slogan "le boycott est une arme". Ce collectif tente par tous les moyens de sensibiliser la population sur la responsabilité direct de la famille Hayot dans l’empoisonnement des martiniquais par ce pesticide.






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