Samuel Eto'o Fils au sortir d'une audience avec Paul Biya au palais de l'Unité. Photo (c) Présidence de la République du Cameroun
Il arrive que le football se joue hors des stades. Les autorités camerounaises en ont donné une illustration éloquente il y a quelques jours. Une mission composée de René Emmanuel Sadi et Adoum Garoua a été reçue le 18 juillet à Zurich par les responsables de la Fifa, sur demande du gouvernement camerounais. Au menu des échanges entre les deux parties: un tour d’horizon des rapports entre le Cameroun et l’instance faîtière du football mondial. Pour nombre d’observateurs, cette mission camerounaise en Suisse ne pouvait plus souffrir quelque report. "Cela faisait longtemps que nous n’avons plus eu d’échanges francs et consistants avec la Fifa", révèle un proche collaborateur du président Paul Biya, ayant requis l’anonymat.
Le profil même des émissaires camerounais en disait long sur l’importance des enjeux et la consistance des intérêts. La délégation camerounaise était conduite par M. Sadi, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, dont le sport ne fait pas partie des attributions officielles. Mais, le chef de la mission est connu comme un diplomate de formation et de métier. "Nous avons bien la preuve du déclassement de M. Adoum Garoua, ministre du Sport et de l’Éducation physique dans les dossiers du football qui ont pris une tournure résolument diplomatique et sont désormais gérés par les plus hautes instances de la République", reconnaît un haut responsable au ministère du Sport, qui préfère l’anonymat.
"C’est une démarche diplomatique qui signifie que l’État du Cameroun ne veut pas aller au bras de fer avec l’instance faîtière du football mondial, et qui tient à la pratique intégrale du football sur son territoire. Je ne pense pas que ce soit un aveu de faiblesse comme certains passionnés le clament. Cela fait partie de la recherche des solutions à une crise qui pollue non seulement les milieux du football mais toute la société camerounaise depuis des années", analyse Emmanuel Gustave Samnick, chroniqueur sportif respecté.
Le profil même des émissaires camerounais en disait long sur l’importance des enjeux et la consistance des intérêts. La délégation camerounaise était conduite par M. Sadi, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, dont le sport ne fait pas partie des attributions officielles. Mais, le chef de la mission est connu comme un diplomate de formation et de métier. "Nous avons bien la preuve du déclassement de M. Adoum Garoua, ministre du Sport et de l’Éducation physique dans les dossiers du football qui ont pris une tournure résolument diplomatique et sont désormais gérés par les plus hautes instances de la République", reconnaît un haut responsable au ministère du Sport, qui préfère l’anonymat.
"C’est une démarche diplomatique qui signifie que l’État du Cameroun ne veut pas aller au bras de fer avec l’instance faîtière du football mondial, et qui tient à la pratique intégrale du football sur son territoire. Je ne pense pas que ce soit un aveu de faiblesse comme certains passionnés le clament. Cela fait partie de la recherche des solutions à une crise qui pollue non seulement les milieux du football mais toute la société camerounaise depuis des années", analyse Emmanuel Gustave Samnick, chroniqueur sportif respecté.
La "crise"? Elle a trait aux convulsions qui ont marqué la vie de la Fédération camerounaise de football depuis de longs mois. Tout était parti des contraintes statutaires de renouvellement des mandats au sein de la Fecafoot. Le déclenchement du processus électoral a suscité des appétits et déchaîné des passions pour le contrôle des organes dirigeants. Soumise à des critiques formulées par d’anciennes gloires du football national dont Roger Milla et Joseph Antoine Bell, respectivement ancien avant-centre de légende et ex gardien de buts des Lions indomptables. Les griefs les plus inattendus venaient des membres de l’équipe sortante en rupture de ban avec la direction du président Iya Mohammed. Les uns et les autres dénonçaient la mauvaise gestion des affaires du football, l’application des dispositions des statuts de la Fédération d’avance favorables à la reconduction de l’équipe dont le mandat était arrivé à expiration.
Les tensions se sont faites si vives autour des élections, que finalement les pouvoirs publics, sous la houlette du Premier ministre Philemon Yang, ont dû ordonner le déploiement des forces de l’ordre lors de l’Assemblée générale élective du 19 juin 2013. Vivement dénoncée par ses adversaires, la réélection de l’équipe de Iya Mohammed - mis aux arrêts quelques jours plus tôt dans le cadre d’une affaire de détournements présumés de fonds en sa qualité de Directeur général de la Société de développement du coton - en rajoutait aux crispations. C’est sur ces entrefaites qu’est intervenue, le 3 juillet 2013, la mesure de suspension du Cameroun des compétitions relevant de la Fifa, qui reprochait au gouvernement camerounais son immixtion dans les affaires internes à la Fecafoot.
Conséquence implacable de cette sanction de l’organisation dirigée par Sepp Blatter: les Lions indomptables étaient de facto éliminés de la coupe du monde 2014. Or, premier de leur groupe dans le cadre des éliminatoires pour le rendez-vous mondial au Brésil, le Cameroun en était, au moment de la suspension qui le frappait, à espérer un simple match nul à Yaoundé, début septembre, contre la Libye, pour passer au dernier tour qualificatif. A l’évidence, les autorités ne pouvaient longtemps s’accommoder de cette infortune. Elles ont dû entamer des négociations avec la Fifa, levé le dispositif sécuritaire établi au siège de la Fecafoot à Yaoundé, et accueilli favorablement la mise en place d’un "comité de normalisation" chargé d’établir de nouvelles règles pour le fonctionnement du football camerounais. La levée de la suspension du Cameroun doit passer par là.
Cette propension des autorités camerounaises à engager des discussions avec la Fifa lorsque se profilent ou se précisent ses sanctions, n’est du reste pas liée à la seule crise récente. "De tout temps, les autorités camerounaises ont privilégié le dialogue dans les crises récurrentes de la Fecafoot ayant parfois conduit à la suspension du Cameroun par la Fifa. Qu’on se souvienne de la tripartite de Zurich en 2004 (Fifa-Fecafoot-gouvernement) qui avait abouti à un consensus sur le mode opératoire de la gestion du football camerounais", rappelle Emmanuel Gustave Samnick.
L’attitude du gouvernement camerounais n’est que relativement surprenante. "On connaît bien l’adage qui dit qu’il faut offrir du pain et des jeux au peuple. Faute de pain, on donne des jeux. Le football en particulier est un accélérateur de patriotisme et un anesthésiant des consciences. S’y ajoute le fait que le football sert de promotion social en dehors des positions sociales valorisantes dans l’appareil politico-administratif ordinaire", remarque le politiste Stéphane Akoa, chercheur à la Fondation Paul Ango Ela à Yaoundé. Ce qui n’est pas sans rappeler la récupération politicienne dont font l’objet les victoires des Lions indomptables par les plus hautes autorités de l’État.
Les tensions se sont faites si vives autour des élections, que finalement les pouvoirs publics, sous la houlette du Premier ministre Philemon Yang, ont dû ordonner le déploiement des forces de l’ordre lors de l’Assemblée générale élective du 19 juin 2013. Vivement dénoncée par ses adversaires, la réélection de l’équipe de Iya Mohammed - mis aux arrêts quelques jours plus tôt dans le cadre d’une affaire de détournements présumés de fonds en sa qualité de Directeur général de la Société de développement du coton - en rajoutait aux crispations. C’est sur ces entrefaites qu’est intervenue, le 3 juillet 2013, la mesure de suspension du Cameroun des compétitions relevant de la Fifa, qui reprochait au gouvernement camerounais son immixtion dans les affaires internes à la Fecafoot.
Conséquence implacable de cette sanction de l’organisation dirigée par Sepp Blatter: les Lions indomptables étaient de facto éliminés de la coupe du monde 2014. Or, premier de leur groupe dans le cadre des éliminatoires pour le rendez-vous mondial au Brésil, le Cameroun en était, au moment de la suspension qui le frappait, à espérer un simple match nul à Yaoundé, début septembre, contre la Libye, pour passer au dernier tour qualificatif. A l’évidence, les autorités ne pouvaient longtemps s’accommoder de cette infortune. Elles ont dû entamer des négociations avec la Fifa, levé le dispositif sécuritaire établi au siège de la Fecafoot à Yaoundé, et accueilli favorablement la mise en place d’un "comité de normalisation" chargé d’établir de nouvelles règles pour le fonctionnement du football camerounais. La levée de la suspension du Cameroun doit passer par là.
Cette propension des autorités camerounaises à engager des discussions avec la Fifa lorsque se profilent ou se précisent ses sanctions, n’est du reste pas liée à la seule crise récente. "De tout temps, les autorités camerounaises ont privilégié le dialogue dans les crises récurrentes de la Fecafoot ayant parfois conduit à la suspension du Cameroun par la Fifa. Qu’on se souvienne de la tripartite de Zurich en 2004 (Fifa-Fecafoot-gouvernement) qui avait abouti à un consensus sur le mode opératoire de la gestion du football camerounais", rappelle Emmanuel Gustave Samnick.
L’attitude du gouvernement camerounais n’est que relativement surprenante. "On connaît bien l’adage qui dit qu’il faut offrir du pain et des jeux au peuple. Faute de pain, on donne des jeux. Le football en particulier est un accélérateur de patriotisme et un anesthésiant des consciences. S’y ajoute le fait que le football sert de promotion social en dehors des positions sociales valorisantes dans l’appareil politico-administratif ordinaire", remarque le politiste Stéphane Akoa, chercheur à la Fondation Paul Ango Ela à Yaoundé. Ce qui n’est pas sans rappeler la récupération politicienne dont font l’objet les victoires des Lions indomptables par les plus hautes autorités de l’État.