Une mise en scène originale qui éclaire d'un jour nouveau l'ultime chef-d'oeuvre du Maître
Photo (c) Dominique Jaussein
L’œuvre inachevée et géniale avec laquelle Puccini prit congé de la vie demande d’immenses moyens. Ceux voulus par le metteur en scène Federico Grazzini pour cette production purement niçoise sont exactement les mêmes que requiert le livret, une touche de modernisme en plus, avec participation de projections vidéo.
On retrouve donc cette indispensable animation à cette improbable Chine de pacotille dans des décors et costumes anthracites (Andrea Belli-Valeria Betella) proches de l’héroïc fantasy, un tantinet modernes dans leur classicisme inspiré avec, cerises incongrues sur le gâteau, des Derviches tourneurs plus vrais que nature.
Tout ce que montre Grazzini est sombrement beau, raffiné, pour commenter avec une légèreté de touche parfaite, quelque points précis et révélateurs du livret d’Adami. En prime une jolie approche sur l’irréalité lunaire du premier acte ou l’angoissante atmosphère nocturne du dernier.
Plaisir de l’intelligence, originalité de l’approche, simplicité, vérité des masques et visages également, comme pour mieux nous plonger dans un monde où la violence a dépassé le stade de latence pour dicter sa loi.
Le final voulu par Luciano Berio est désormais bien connu de tout lyricomane qui se respecte : plus doux, moins grandiloquent, moins vocal, moins agité que celui écrit par Franco Alfano, plus près donc des innovations orchestrales et musicales voulues par Puccini, en son temps intéressé, on le sait, par la musique de son époque et ses contemporains de Strauss à Zemlinsky en passant par Schreker et même Stravinsky.
Ce qui rend justement passionnant le travail de Berio est qu’il n’a pas cherché à raviver une nostalgie un peu trouble d’une composition pseudo puccinienne comme Alfano s’en est montré fidèle presque à outrance. Il reste très personnel et finalement original dans son approche intimiste, chambriste.
Bonne surprise dans la fosse également avec la direction de Roland Böer qui ne confond pas le dernier chef d’œuvre de Puccini avec les spécimens les plus clinquants de l’esthétique vériste.
Son mérite est de s’en tenir à une lecture étrangère à toute sollicitation capable d’en trahir le style, spectaculaire parfois certes, mais toujours respectueuse des nuances diaphanes d’une partition contemporaine du Wozzek d’Alban Berg.
Avec le concours du Philharmonique niçois en grande forme, le chef délivre une conception orchestrale personnelle, inspirée, parfumée, pleine de couleurs, une qualité de phrasé qui garde à la musique sa dignité et son charme. Jamais la richesse orchestrale et chorale de l’œuvre n’avait été aussi somptueusement exaltée.
On n’en démordra pas. Il faut à "Turandot" de grandes voix dont seule l’ampleur permettra de chanter naturellement, sans ces efforts induisant automatiquement une perte ou un sacrifice de la qualité du chant et de l’organe.
Le plateau entier était donc au diapason de cette très belle et curieuse réalisation scénique. D’emblée, le Mandarin suffocant d’accent et de présence de Richard Rittelmann donne le ton. Des voix nous allons en avoir, nous allons en entendre.
C’est d’ailleurs à un duel de pétoires sans merci, un réjouissant concours de décibels, que se livrent les protagonistes. Au mépris parfois de la justesse.
Alfred Kim (Calaf) et Irina Rindzuner, altière et glaciale dans le rôle-titre, s’en donnent à cœur joie, tous deux "balançant" sans l’ombre d’un moindre effort des aigus qui cassent réellement la baraque, le ténor coréen, respectueux à l’extrême, ajoutant même pour le grand plaisir du public survolté un ut non écrit, mais de rigueur, à la fin du deuxième acte. L’air fameux qui ouvre l’acte ultime aurait par contre mérité une conclusion moins rapide et plus soutenue.
Ne voulant être en reste, la Liu d’Illia Papandreou, séduisante dans sa spontanéité, en rajoute à outrance dans un rôle tout de sucre, de miel, et confond son personnage de petite femme puccinienne sacrifiée avec les fureurs de Tosca. L’artiste devrait revoir en outre sa technique pour l’émission des aigus placés sur le souffle.
Excellent, délicieux trio de Ministres (Alexandre Duhamel, Roberto Covatta, Alexander Kravets) déguisés en Mickey acrobates, Timur sans problème de Mattia Denti, et vrai Empereur de Massimo La Guardia qui pour l’occasion s’est fait la tête de Gary Oldman dans le "Dracula" de Coppola.
Superbement préparés par Giulio Magnanini et Philippe Négrel, un mot pour conclure avec les chœurs, éclatants de vie, de sève, vrais protagonistes à part entière de ce drame sanguinaire, portant leurs interventions à un degré d’incandescence inouï.
On retrouve donc cette indispensable animation à cette improbable Chine de pacotille dans des décors et costumes anthracites (Andrea Belli-Valeria Betella) proches de l’héroïc fantasy, un tantinet modernes dans leur classicisme inspiré avec, cerises incongrues sur le gâteau, des Derviches tourneurs plus vrais que nature.
Tout ce que montre Grazzini est sombrement beau, raffiné, pour commenter avec une légèreté de touche parfaite, quelque points précis et révélateurs du livret d’Adami. En prime une jolie approche sur l’irréalité lunaire du premier acte ou l’angoissante atmosphère nocturne du dernier.
Plaisir de l’intelligence, originalité de l’approche, simplicité, vérité des masques et visages également, comme pour mieux nous plonger dans un monde où la violence a dépassé le stade de latence pour dicter sa loi.
Le final voulu par Luciano Berio est désormais bien connu de tout lyricomane qui se respecte : plus doux, moins grandiloquent, moins vocal, moins agité que celui écrit par Franco Alfano, plus près donc des innovations orchestrales et musicales voulues par Puccini, en son temps intéressé, on le sait, par la musique de son époque et ses contemporains de Strauss à Zemlinsky en passant par Schreker et même Stravinsky.
Ce qui rend justement passionnant le travail de Berio est qu’il n’a pas cherché à raviver une nostalgie un peu trouble d’une composition pseudo puccinienne comme Alfano s’en est montré fidèle presque à outrance. Il reste très personnel et finalement original dans son approche intimiste, chambriste.
Bonne surprise dans la fosse également avec la direction de Roland Böer qui ne confond pas le dernier chef d’œuvre de Puccini avec les spécimens les plus clinquants de l’esthétique vériste.
Son mérite est de s’en tenir à une lecture étrangère à toute sollicitation capable d’en trahir le style, spectaculaire parfois certes, mais toujours respectueuse des nuances diaphanes d’une partition contemporaine du Wozzek d’Alban Berg.
Avec le concours du Philharmonique niçois en grande forme, le chef délivre une conception orchestrale personnelle, inspirée, parfumée, pleine de couleurs, une qualité de phrasé qui garde à la musique sa dignité et son charme. Jamais la richesse orchestrale et chorale de l’œuvre n’avait été aussi somptueusement exaltée.
On n’en démordra pas. Il faut à "Turandot" de grandes voix dont seule l’ampleur permettra de chanter naturellement, sans ces efforts induisant automatiquement une perte ou un sacrifice de la qualité du chant et de l’organe.
Le plateau entier était donc au diapason de cette très belle et curieuse réalisation scénique. D’emblée, le Mandarin suffocant d’accent et de présence de Richard Rittelmann donne le ton. Des voix nous allons en avoir, nous allons en entendre.
C’est d’ailleurs à un duel de pétoires sans merci, un réjouissant concours de décibels, que se livrent les protagonistes. Au mépris parfois de la justesse.
Alfred Kim (Calaf) et Irina Rindzuner, altière et glaciale dans le rôle-titre, s’en donnent à cœur joie, tous deux "balançant" sans l’ombre d’un moindre effort des aigus qui cassent réellement la baraque, le ténor coréen, respectueux à l’extrême, ajoutant même pour le grand plaisir du public survolté un ut non écrit, mais de rigueur, à la fin du deuxième acte. L’air fameux qui ouvre l’acte ultime aurait par contre mérité une conclusion moins rapide et plus soutenue.
Ne voulant être en reste, la Liu d’Illia Papandreou, séduisante dans sa spontanéité, en rajoute à outrance dans un rôle tout de sucre, de miel, et confond son personnage de petite femme puccinienne sacrifiée avec les fureurs de Tosca. L’artiste devrait revoir en outre sa technique pour l’émission des aigus placés sur le souffle.
Excellent, délicieux trio de Ministres (Alexandre Duhamel, Roberto Covatta, Alexander Kravets) déguisés en Mickey acrobates, Timur sans problème de Mattia Denti, et vrai Empereur de Massimo La Guardia qui pour l’occasion s’est fait la tête de Gary Oldman dans le "Dracula" de Coppola.
Superbement préparés par Giulio Magnanini et Philippe Négrel, un mot pour conclure avec les chœurs, éclatants de vie, de sève, vrais protagonistes à part entière de ce drame sanguinaire, portant leurs interventions à un degré d’incandescence inouï.