L'interventionnisme de la France unanimement déploré à l’étranger
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Quand les Anglo-saxons relatent les embûches rencontrées par General Electric (G.E.) pour racheter la division énergie d'Alstom, ils raillent le protectionnisme de la France qui se méfierait des investisseurs étrangers, surtout américains. "François Hollande avait dit aux dirigeants de multinationales que le pays était ouvert au business. Malheureusement, les membres de son gouvernement semblent fermer la porte" regrette le New York Times. Pire, en militant pour un rachat du géant français par une firme européenne, Arnaud Montebourg hérisse les poils du Wall Street Journal: "Si les Français voulaient dire qu'ils ne veulent pas de capitaux américains chez eux, ils ne s'y prendraient pas autrement". Et le New York Times de remarquer qu'au moment où de nombreux chefs d’État européens sont concentrés sur les sanctions infligées à la Russie, l'implication intime du gouvernement dans une OPA en dit long sur ses efforts protectionnistes. Cinglant, le Frankfurter Allgemeine Zeitung dénonce le procédé scandaleux d'un État qui avait déjà torpillé le rachat d'Alstom par Siemens en 2005. Et la Süddeutsche Zeitung de renchérir: "L'intervention brutale du gouvernement français révèle une politique industrielle désinvolte et constitue une intervention dans les processus économiques qui, au temps des marchés globalisés, devrait appartenir au passé". Le plus désespérant pour le Die Welt, c’est que cette ingérence dans l’économie privée trouve un écho favorable auprès de 58 % des Français dont une partie réclame même la nationalisation d'Alstom. Alors face au nouveau décret qui impose l'aval de l’État en cas d’OPA étrangère sur une entreprise jugée stratégique, les réactions sont unanimes: c’est un moyen de peser sur les négociations entre Alstom et ses prédateurs. Et le Wall Street Journal de s’inquiéter: "la position de Paris réveille les inquiétudes concernant le fait que le protectionnisme montre à nouveau le bout de son nez en Europe".
La France colbertiste n'étonne pourtant pas les analystes
L'attitude de la France n’est pas surprenante pour les Américains qui rappellent ses précédents sabordages quand Yahoo! a tenté de d’acheter Dailymotion ou quand PepsiCo s'est intéressé à Danone. Appliquer la notion d'intérêts stratégiques au yaourt amuse d’ailleurs les Américains. Pour le Wall Street Journal, s’immiscer dans les négociations sur Alstom "fait partie d’une longue tradition d’interventionnisme de l’État français dans le monde des affaires pour protéger la sécurité nationale et garder les emplois et les entreprises dans le pays". D’ailleurs Bloomberg dépeint Montebourg comme le digne héritier de Colbert, ministre des Finances de Louis XIV. "La France est notoirement un endroit difficile pour les prises de contrôle étrangères" insiste aussi Forbes. The Economist constate, quant à lui, le malaise grandissant d'une "France qui perd rapidement le contrôle sur son destin économique après avoir a conçu des entreprises d'envergure mondiale au cours des décennies d'après-guerre".
Pour tous ces médias, la France fait fausse route
Les Américains, le New York Times en tête, pensent que cette stratégie n’est pas la bonne: "La France ne devrait pas bloquer l’offre de G.E. uniquement parce que la société a son siège dans le Connecticut. Faire subir une telle discrimination à cette société présente dans le pays depuis plus de 40 ans en raison de ses origines ne fera que nuire à la France". Pour le quotidien, ce protectionnisme décourage l'investissement des entreprises non européennes, enlisant une économie déjà stagnante. Et de reprendre les propos de Pierre Gattaz, patron du Medef: "Nous n'allons pas trouver une solution durable aux problèmes du pays en interdisant aux entreprises de se vendre à d'autres entreprises". Même vision en Allemagne: "Les attaques verbales publiques de M. Montebourg contre les entreprises effraient les investisseurs étrangers, augmentant le risque que la France perde encore de son attractivité et devienne la risée des marchés" analyse le Die Welt. Le site web de CNBC qualifie de "bad romance" les relations compliquées entre la France et ses entreprises. Le mot de la fin revient à la Süddeutsche Zeitung: "la France a déjà échoué à créer des champions nationaux, n'ayant presque plus de groupes français importants à l'international… Mais visiblement le gouvernement n'en tire toujours pas les leçons en empêchant ouvertement l'Américain d'entrer au capital d'Alstom".
La France colbertiste n'étonne pourtant pas les analystes
L'attitude de la France n’est pas surprenante pour les Américains qui rappellent ses précédents sabordages quand Yahoo! a tenté de d’acheter Dailymotion ou quand PepsiCo s'est intéressé à Danone. Appliquer la notion d'intérêts stratégiques au yaourt amuse d’ailleurs les Américains. Pour le Wall Street Journal, s’immiscer dans les négociations sur Alstom "fait partie d’une longue tradition d’interventionnisme de l’État français dans le monde des affaires pour protéger la sécurité nationale et garder les emplois et les entreprises dans le pays". D’ailleurs Bloomberg dépeint Montebourg comme le digne héritier de Colbert, ministre des Finances de Louis XIV. "La France est notoirement un endroit difficile pour les prises de contrôle étrangères" insiste aussi Forbes. The Economist constate, quant à lui, le malaise grandissant d'une "France qui perd rapidement le contrôle sur son destin économique après avoir a conçu des entreprises d'envergure mondiale au cours des décennies d'après-guerre".
Pour tous ces médias, la France fait fausse route
Les Américains, le New York Times en tête, pensent que cette stratégie n’est pas la bonne: "La France ne devrait pas bloquer l’offre de G.E. uniquement parce que la société a son siège dans le Connecticut. Faire subir une telle discrimination à cette société présente dans le pays depuis plus de 40 ans en raison de ses origines ne fera que nuire à la France". Pour le quotidien, ce protectionnisme décourage l'investissement des entreprises non européennes, enlisant une économie déjà stagnante. Et de reprendre les propos de Pierre Gattaz, patron du Medef: "Nous n'allons pas trouver une solution durable aux problèmes du pays en interdisant aux entreprises de se vendre à d'autres entreprises". Même vision en Allemagne: "Les attaques verbales publiques de M. Montebourg contre les entreprises effraient les investisseurs étrangers, augmentant le risque que la France perde encore de son attractivité et devienne la risée des marchés" analyse le Die Welt. Le site web de CNBC qualifie de "bad romance" les relations compliquées entre la France et ses entreprises. Le mot de la fin revient à la Süddeutsche Zeitung: "la France a déjà échoué à créer des champions nationaux, n'ayant presque plus de groupes français importants à l'international… Mais visiblement le gouvernement n'en tire toujours pas les leçons en empêchant ouvertement l'Américain d'entrer au capital d'Alstom".
Patriotisme économique: et si la France avait raison?
La France serait perdante en cas d’OPA, quels que soient ses prédateurs
La vente d’Alstom pourrait mettre en péril des atouts stratégiques et compétitifs de la France dont la désindustrialisation pèse déjà sur sa croissance. Éric Denécé, Directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, détaille le problème de cette vente dans une interview accordée à Atlantico : une menace sur notre force de dissuasion nucléaire et notre indépendance énergétique, et la perte d’une technologie spatiale de pointe sur les systèmes de repérage par satellite, qui intéresse particulièrement la Maison Blanche. Toujours selon Éric Denécé, la branche énergétique du groupe sensée être rachetée par G.E. serait la plus rentable (56% du chiffre d’affaire de l’entreprise), notamment sur le secteur nucléaire. Et l'économiste Christian Saint-Étienne de légitimer la carte de la préférence nationale en s’alarmant :"quand une entreprise part à l'étranger, rapidement, les centres de décision sont rapatriés dans le pays de l'actionnaire majoritaire. Ensuite, on perd les centres de recherche et enfin on perd les centres de production". Au final, qu’il soit américain ou allemand, le démantèlement d’Alstom sera le même à partir du moment où les aspects technologiques de la firme n’ont pas été sanctuarisés. C’est pourquoi l'État défend prioritairement l'idée d'alliances ou de partenariats plutôt qu'une absorption pure et simple des activités énergie.
Pourtant les investissements sont indispensables pour la viabilité du groupe
Le problème qui se pose aujourd’hui pour Alstom, c’est que même dotée d’un capital de technologies exceptionnel, l’entreprise manque de fonds propres pour financer des investissements longs sans lesquels elle ne peut développer son potentiel au plan mondial. Son cas illustre celui d’une industrie française évanescente, en mal de capitaux et fait ressurgir le spectre de la fragilité des grands fleurons industriels français. Selon les économistes, au moins la moitié des 35 entreprises industrielles que compte le CAC40 seraient facilement opéables. La France a construit ses champions nationaux aux lendemains de la seconde guerre mondiale, sous De Gaulle et Pompidou, en s’adossant à l’État. C’est le fameux capitalisme d’État qui est encore aujourd'hui le régime de la Chine, du Japon ou de la Russie. A partir de 1986, l'Hexagone a choisi d’en sortir, cédant à l’engouement des privatisations. Le problème, c’est que les gouvernements n’ont pas compensé ces privatisations en dotant leur industrie de structures de mobilisation du capital capables de drainer l’épargne nationale vers l’industrie, comme les fonds de pension anglo-saxons ou des pays émergeants. Édouard Balladur, ministre de l’économie dans le gouvernement de cohabitation de 1986, a bien essayé de protéger l'industrie française en instaurant des "noyaux durs" censés éviter une trop grande volatilité des marchés et conserver un contrôle français sur ces industries. Mais ces noyaux durs ont été démantelés au fil du temps. Sans capitaux d’État, ni fonds de pension, la France est devenu un pays capitaliste sans capital et son industrie une proie pour les groupes étrangers portés par leur État ou leurs fonds de pension… ou les deux comme les États-Unis qui n’hésitent pas à nationaliser General Motors au bord de la faillite pour éviter la disparition de l'industrie automobile américaine.
Les marges de manœuvre du gouvernement sont étroites
Le "décret de patriotisme économique" du ministre de l’Économie n’est pas nouveau. Il reprend un décret pris en 2005 par Dominique De Villepin, étendu à l'énergie et aux transports, et complété de dispositions conditionnant les investissements étrangers dans certaines entreprises. Selon Éric Delbecque, expert en intelligence stratégique et auteur de "Quel patriotisme économique?", ce décret ne fait pas exception: "les États-Unis et la Chine ont déjà des dispositifs similaires qui permettent de concilier des impératifs stratégiques avec les lois du marché. Des dispositifs qui peuvent permettre aussi de poser des conditions aux investisseurs étrangers en termes d’emploi ou de localisation de sites". Contrairement aux affirmations des médias étrangers, la France n’est donc pas protectionniste dans le sens où elle n’interdit pas la libre circulation des capitaux et des marchandises mais pose, comme les autres, des conditions en cas d’investissement étranger. Michel Barnier, Commissaire européen aux Marchés intérieurs et aux Services, souligne toutefois que si gouvernement peut établir des négociations qui soient profitables à la France, il ne pourra pas arbitrer à sa guise le dossier Alstom qui relève du secteur privé où les actionnaires tranchent en dernier ressort.
La vente d’Alstom pourrait mettre en péril des atouts stratégiques et compétitifs de la France dont la désindustrialisation pèse déjà sur sa croissance. Éric Denécé, Directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement, détaille le problème de cette vente dans une interview accordée à Atlantico : une menace sur notre force de dissuasion nucléaire et notre indépendance énergétique, et la perte d’une technologie spatiale de pointe sur les systèmes de repérage par satellite, qui intéresse particulièrement la Maison Blanche. Toujours selon Éric Denécé, la branche énergétique du groupe sensée être rachetée par G.E. serait la plus rentable (56% du chiffre d’affaire de l’entreprise), notamment sur le secteur nucléaire. Et l'économiste Christian Saint-Étienne de légitimer la carte de la préférence nationale en s’alarmant :"quand une entreprise part à l'étranger, rapidement, les centres de décision sont rapatriés dans le pays de l'actionnaire majoritaire. Ensuite, on perd les centres de recherche et enfin on perd les centres de production". Au final, qu’il soit américain ou allemand, le démantèlement d’Alstom sera le même à partir du moment où les aspects technologiques de la firme n’ont pas été sanctuarisés. C’est pourquoi l'État défend prioritairement l'idée d'alliances ou de partenariats plutôt qu'une absorption pure et simple des activités énergie.
Pourtant les investissements sont indispensables pour la viabilité du groupe
Le problème qui se pose aujourd’hui pour Alstom, c’est que même dotée d’un capital de technologies exceptionnel, l’entreprise manque de fonds propres pour financer des investissements longs sans lesquels elle ne peut développer son potentiel au plan mondial. Son cas illustre celui d’une industrie française évanescente, en mal de capitaux et fait ressurgir le spectre de la fragilité des grands fleurons industriels français. Selon les économistes, au moins la moitié des 35 entreprises industrielles que compte le CAC40 seraient facilement opéables. La France a construit ses champions nationaux aux lendemains de la seconde guerre mondiale, sous De Gaulle et Pompidou, en s’adossant à l’État. C’est le fameux capitalisme d’État qui est encore aujourd'hui le régime de la Chine, du Japon ou de la Russie. A partir de 1986, l'Hexagone a choisi d’en sortir, cédant à l’engouement des privatisations. Le problème, c’est que les gouvernements n’ont pas compensé ces privatisations en dotant leur industrie de structures de mobilisation du capital capables de drainer l’épargne nationale vers l’industrie, comme les fonds de pension anglo-saxons ou des pays émergeants. Édouard Balladur, ministre de l’économie dans le gouvernement de cohabitation de 1986, a bien essayé de protéger l'industrie française en instaurant des "noyaux durs" censés éviter une trop grande volatilité des marchés et conserver un contrôle français sur ces industries. Mais ces noyaux durs ont été démantelés au fil du temps. Sans capitaux d’État, ni fonds de pension, la France est devenu un pays capitaliste sans capital et son industrie une proie pour les groupes étrangers portés par leur État ou leurs fonds de pension… ou les deux comme les États-Unis qui n’hésitent pas à nationaliser General Motors au bord de la faillite pour éviter la disparition de l'industrie automobile américaine.
Les marges de manœuvre du gouvernement sont étroites
Le "décret de patriotisme économique" du ministre de l’Économie n’est pas nouveau. Il reprend un décret pris en 2005 par Dominique De Villepin, étendu à l'énergie et aux transports, et complété de dispositions conditionnant les investissements étrangers dans certaines entreprises. Selon Éric Delbecque, expert en intelligence stratégique et auteur de "Quel patriotisme économique?", ce décret ne fait pas exception: "les États-Unis et la Chine ont déjà des dispositifs similaires qui permettent de concilier des impératifs stratégiques avec les lois du marché. Des dispositifs qui peuvent permettre aussi de poser des conditions aux investisseurs étrangers en termes d’emploi ou de localisation de sites". Contrairement aux affirmations des médias étrangers, la France n’est donc pas protectionniste dans le sens où elle n’interdit pas la libre circulation des capitaux et des marchandises mais pose, comme les autres, des conditions en cas d’investissement étranger. Michel Barnier, Commissaire européen aux Marchés intérieurs et aux Services, souligne toutefois que si gouvernement peut établir des négociations qui soient profitables à la France, il ne pourra pas arbitrer à sa guise le dossier Alstom qui relève du secteur privé où les actionnaires tranchent en dernier ressort.
Des solutions radicales: vers la recapitalisation nationale?
La France manque d’un gros investisseur de long terme. Certes, la Banque publique d’investissement (BPI) récemment créée est destinée à accompagner les entreprises en leur offrant des solutions de financement. Mais c’est un trop petit acteur pour développer l’investissement des entreprises du CAC40. Christian Saint-Étienne suggère de développer massivement la BPI en utilisant une partie des 200 milliards d'euros consignés à la Caisse des dépôts pour le livret A pour investir dans ces actions françaises. La France peut aussi décider de créer son propre modèle de fonds de pension. Une autre alternative, propose Christian Saint-Étienne, est "de faire entrer l’État au capital des fleurons de l'industrie française afin de faire maintenir les centres de décision et de recherche en France" en formulant des offres compétitives. L’État n’en ayant pas les moyens aujourd’hui, la solution pourrait passer par la diminution de la dépense sociale (33% du PIB) au profit d’opérations en capital. C’est compatible avec nos impératifs budgétaires car les augmentations de capital nécessitent un emprunt qui augmente la dette publique mais pas le déficit publique. Ce n’est certes pas dans la culture française de privilégier le capitalisme à son modèle sociale mais redessiner la carte industrielle d'aujourd’hui, c’est protéger et développer les emplois de demain.